Notes historiques sur Saint Laurent de Trèves – I : Des origines à 1689

Camille Hugues, amateur (très) éclairé d’histoire et d’archéologie ayant un pied à Terre à Artigues, s’intéressait bien évidemment à l’histoire de Saint Laurent de Trèves. Pendant des décennies il en a parcouru les chemins, travers et bartas de la commune et des environs, tout en collectant les informations aux archives et auprès des habitants. Il a progressivement mis tout cela bout à bout dans un document de 1960 intitulé « Notes historiques sur Saint Laurent de Trèves. I – Des origines à 1689 ». Il s’agit d’un fascicule d’une vingtaine de pages tapé à la machine et émaillé de quelques dessins de la main de l’auteur. Il avait l’intention d’écrire un second tome concernant les années plus récentes, mais dans un courrier adressé à une personne non identifiée il raconte comment, devant la fuite du temps, il a préféré renoncer et approfondir le premier livret. Il explique également qu’il ne prète à ce document aucune ambition globale, qu’il l’a écrit en mettant simplement bout à bout des fiches précédemment rédigées. Enfin, il reconnait que pour l’essentiel il s’agit d’informations collectées ici et là auprès d’autres auteurs, et le justifie en expliquant qu’il n’a pas l’intention de rendre le document public.

« Pourquoi cet arrêt en 1689 ? Parce que cette date fournit l’explication de la plaque apposée sur un rocher de l’Hospitaler, et parce que, quelques années après, le pays va être à feu et à sang. »

Camille Hugues a progressivement enrichi son unique tome, qui a connu plusieurs versions successives. La plus ancienne date de 1960. La plus récente, de 1980, intègre de nouvelles informations dont certaines étaient esquissées au crayon dans la version précédentes. J’ignore si des versions intermédiaires ont été produites.

Voici la teneur du document de 1980, intégralement retranscrite.

Le territoire de la commune de Saint-Laurent-de-Trèves (2300 ha), succédant à celui de la paroisse d’ancien régime, est formé essentiellement des versants de la dépression périphérique drainée par le Tarnon venu de l’Aigoual, qui coule au pied du causse Méjean, et du versant occidental de la vallée du ruisseau du Briançon porte ses eaux à la Mimente.

L’enfoncement des rivières dans les schistes, au-dessous de l’épaisse masse des calcaires du Causse et de la Can, lui vaut l’originalité de posséder des paysages cévenols avec leurs prairies dans les bas-fonds et leur châtaigneraie sur les premières pentes, et des paysages caussenards avec des terres à blé et des maigres pâtures sur les hauteurs.

Avant l’histoire

Dès la fin des temps préhistoriques la région était occupée par l’homme, mieux connue par ses tombeaux que par ses habitats. Dans les parties caussenardes des communes de Florac et de Vébron se trouvent des dolmens, sépultures collectives en grande dalle, qui datent de la fin de l’âge de la pierre, mais qui ont été utilisées encore longtemps après par les populations de l’âge du fer et même gallo-romaine.

Des pierres levées ou menhirs, parfois aussi antique que les dolmens, avait été dressées sur le Causse et sur La Can. Souvent nous les trouvons renversés, volontairement ou involontairement, car leurs bases étaient très peu enfoncées dans le sol caillouteux (Peiro Jasen).

Le menhir de la Cabassude est incliné, mais non couché ; il est formé d’un grand triangle de calcaires clairs, haut de 3 m, large à la base de 2 m 65. Les brebis qui viennent chercher un peu d’ombre où s’y frotter, ont poli les aspérités de la face inférieure. Plus modeste était le menhir de La Can du Rey (auteur : 2,42 m), à 800 m au nord de la ferme, couché sur le sol, non loin de la draille de la Margerie, à proximité de deux tumulus tant il signalait peut-être la présence ; on l’a récemment volé.

Les hypothèses les plus diverses ont été émises sur le rôle des menhirs, de même à propos des pierres creusées de bassin et de cupules dont on connaît un magnifique exemple sur La Can de Ferrières au lieu-dit  » les Conques  » : dans un bloc calcaire volumineux existent deux bassins entourés d’une auréole de cupules plus petites, munies de rigoles, le tout croisé de main d’homme. On ne sait rien sur leur but, vraisemblablement religieux,. Le souvenir s’en est perdu, quoique les cupules couvrent par centaines certains rochers de schistes des crêtes principales ou secondaires des Cévennes.

Par contre, la  » Peiro de la Pendudo « , très endommagée maintenant, qui appartenait au socle d’une croix, est une pierre à légende, à 1 km au nord du Rey, au carrefour de la draille et d’un chemin qui se dirige vers Ferrières ; elle a été façonnée avec un instrument fer et elle est donc moins ancienne que les précédentes.

Les tumulus datent, en général, du premier âge du fer (environ du VIIe siècle avant Jésus-Christ), mais ils ont été visités, sinon utilisés, à l’époque gallo-romaine. Au Causse de la Cabassude, un tumulus, épais de 1,10 m, contenait à la base une tombe de l’âge du fer (débris très oxydés d’une épée en fer) et, au-dessus, quelques tessons de poterie gallo-romaine.

De même, le tumulus de La Can d’Artigues, ovale, à la croisée de plusieurs voies (drailles de transhumance, chemin muletier de Florac à Barre, chemin de Ferrières) formait un tertre allongé (14m x 10m) et aplati (0m80 de hauteur). Trop visible en ce lieu de passage le sommet du tumulus avait été bouleversé avant de porter une quille en pierres sèches. La couche supérieure contenait des restes de porc et de mouton, des fragments de briques romaines et quelques débris de poterie grise tournée. Ce sont probablement les gallo-romains qui avaient émietté un vase en terre noire fait à la main, qui devait appartenir au mobilier de la tombe sous-jacente du premier âge du fer. À 80 cm de profondeur gisait un squelette en mauvais état, inhumé sur un pavé. De part et d’autre, des dalles plantées de champ limitaient la sépulture et se dressaient plus haut qu’un second dallage de lourdes pierres plates qui avaient écrasé les os. Quoique épais, le crâne aux dents usées était brisé. Le mobilier funéraire ne comprenait pas d’autre poterie que le vase en terre noirâtre rencontré dans la première couche. Contre la jambe gauche se trouvait un fragment très oxydé de lame de fer qui provenait d’un poignard ou d’une épée. C’était donc la tombe d’un guerrier. À côté du pied droit on avait déposé une coupelle en bronze mince, en forme de bol à fond arrondi ; mais, pris entre des blocs volumineux, elle avait été cabossée et déchirée.

Aucune fouille ne permet de dire si les grottes de la commune de Saint-Laurent ont été occupées par les hommes préhistoriques.

Au début des temps historiques

A l’époque romaine, on reconnaît des traces d’occupation du sol sur La Can, par exemple à proximité du tumulus de La Can d’Artigues, en plusieurs points entre les fermes de Montgros et du Rey, particulièrement à l’ouest de la route et à la hauteur des ruines du château de Terre-Rouge. Sur le Serre de Montgros se trouvait un sanctuaire (fanum) dont l’existence est attestée par les débris de statuettes et de petits vases d’offrandes en terre cuite.

L’éperon rocheux du Castélas de Saint-Laurent abritait aussi un groupe de maisons construites à l’abri du vent du nord sur le versant exposé au midi. En 1802, Bancilhon, notaire à Saint-Laurent, au cours d’extraction de matériaux, retira d’une citerne un autel votif en calcaire, haut de 0 m 50, large de 0 m 28 à 0 m 32, portant l’inscription suivante qu’on peut voir au musée de Mende :

M. TRIT
VLLO
CONS
ACRANI
V.S.L.M.

L’inscription de l’hôtel, dédié apparemment au Dieu protecteur du pays (Mars Tritullus) par les membres d’une confrérie locale, se lit :

 » Marti Tritullo consacrani votum solverunt libenter morito « .

 » À mars Tritullus, les membres de la confrérie, avec reconnaissance en accomplissement de leur voeu « 

Au même endroit, il fut trouvé aussi une table de marbre blanc de 0 m 68 au carré sur 0 m 10 d’épaisseur. Plus tard, Bancilhon, en faisant défricher un terrain, découvrit un grand nombre de tombeaux en ardoise ; un seul était construit en briques.

L’analogie des noms et ces vestiges de l’antiquité classique ont apporté un argument, selon Marius Balmelle et Émilienne Demougeot, en faveur de la thèse des auteurs qui identifient Saint-Laurent-de-Trèves avec le  » Trévidon  » cité par Sidoine Apollinaire, à l’époque de la décadence de l’empire romain. Dans un recueil de poésie publié à la fin du Ve siècle, Sidoine Apollinaire trace un itinéraire de Clermont-Ferrand à Narbonne par le Givaudan, avec des crochets chez les divers amis du poète, qui passe par Trevidon, séjour de Tonance Ferréol, qui fut préfet des Gaules de 450 à 453 et qui prit part à la bataille contre les Huns Attila, bataille dite dès  » Champs catalauniques « , en Champagne.

D’autres auteurs situent le Trevidon gallo-romains à Trèves (Gard), en bordure du Causse Noir.

Moyen Âge

Au point de vue féodal, Saint-Laurent-de-Trèves faisait partie de la Baronnie de Florac, partie elle-même du comté du Gévaudan.

À la tête de la noblesse Gévaudanaise était le comte de Gévaudan, seigneur suzerain. Avant le XIIIe siècle, ce qualificatif avait appartenu à la grande maison des comtes de Toulouse qui partageaient la suprématie féodale avec les vicomtes du Gévaudan. Ces derniers s’étaient fondus par mariage dans la maison de Barcelone (1112) dont devaient hériter les roi d’Aragon (1172). Ainsi, pendant plus d’un siècle (1112 – 1258) la domination catalane et aragonaise s’exerce sur une partie du Gévaudan.

Après la guerre des albigeois, les comtes de Toulouse, puis rois d’Aragon disparurent du pays. Le domaine des comtes tomba sous la domination des évêques de Mende dès 1209, et le domaine des vicomtes sous celui des rois capétiens (1258). À partir du milieu du XIIIe siècle il y eut en Gévaudan deux suzerains qui se partagèrent l’autorité féodale : L’évêque de Mende qui se titrait compte de Gévaudan, et le roi de France, successeurs des rois d’Aragon.

À l’échelle immédiatement inférieure venaient les barons, au nombre de huit, parmi eux celui de Florac ; tous étaient vassaux de L’évêque. Venaient ensuite les  » gentilshommes « , parmi eux ceux de Barre et de Gabriac. La démarcation entre les gentilshommes et les barons semblent un peu arbitraires à première vue. Venaient enfin, à l’échelon inférieur de la hiérarchie féodale, les possesseurs de fief noble, d’importance diverse.

La baronnie de Florac s’étendait dans la région cévenole tributaire du Tarn et de ses affluents. Ses principaux châteaux étaient ceux de Florac, Barre, Saint-Laurent-de-Trèves, Mas-Aribal, Moissac, Chabrières, Saint-Julien-d’Arpaon. Elle appartient la puissante maison d’Anduze jusqu’à la fin du XIVe siècle, puis à celle de Ventadour, et désormais, elle changea souvent de mains.

Parmi les hameaux habités ou abandonnés depuis peu, des noms de lieux indiquent des défrichements qui remontent vraisemblablement au Moyen Âge. Artique est un terme employé en France méridionale et en Espagne pour désigner un terrain défriché par écobuage, c’est-à-dire cultivés sur brûlis. Issart-long désignae un terrain (issart ou Essarts) dont on a arraché les arbres et les épines pour le défricher. Dans le compoix de 1631, d’autres noms de sites qui se répètent sont aussi les témoins durables de défrichements : les Rompudes au Mazel, l’Issartas et l’Issartou au Mazel, la rompude et l’Issart del Moulinio à Vernagues.

Le nom d’Artigues est connu par un texte à la fin du XIIIe siècle. Ses habitants reconnaissent au seigneur Raymond de Barre, le 7 octobre 1288, le mas de pomaret qui est dans la paroisse de Saint-Laurent et qui confrontent avec le mas du Bousquet, avec le mas de Nozières et avec le Valat de Vernet. La redevance annuelle s’élevait à quatre deniers mélgoriens.

La monnaie melgorienne ou monnaie de Mauguio dont il est fait mention dans l’acte mériterait plutôt l’épithète  » montpelliéraine  » en raison de l’importance de la place de Montpellier dans le commerce de l’Occident méditerranéen au Moyen Âge. Sans doute les évêques du Gévaudan avait-il leurs monnaies particulières ; elle n’est pas représentée dans une petite cachette de monnaie féodale placée dans la grotte du ravin de Baumoleïro, entre l’Hospitalet et Terre-Rouge qui contenait 94 piécettes en argent. La cachette qui paraît remonter au début du XIIIe siècle, se composait en majorité de monnaies melgorienes (86). Viennent ensuite 7 monnaies de Raymond VI, comte de Toulouse et marquis de Provence (1195 – 1222) et une monnaie d’Alphonse II, roi d’Aragon, comte de Provence (1162 – 1196).

La seigneurie de Barre appartint à la famille de ce nom de 1058 à 1425, dont les armes étaient  » d’argent à deux fasces de gueules « .

Dans les premiers siècles, il est impossible d’établir une filiation suivie. Nous savons cependant que Genton de Barre prit part à la première croisade, en 1096, sous la bannière de Raymond IV de Saint-Gilles, comtes de Toulouse, et qu’à leurs tours Gin et Macé de Barre, en 1190 – 1191, participèrent à la troisième croisade.

La fréquence de la monnaie raimondine dans la cachette de la grotte de l’Hospitalet s’explique tant par l’étendue des fiefs que par la puissance de la maison de Toulouse. De même la présence d’un denier d’Aragon se justifie par l’extension en Gévaudan des domaines de cette famille.

L’absence de toute pièce des évêques de Mende ou du Puis semblerait indiquer que le possesseur de ce petit trésor se rendait de la plaine languedocienne à la montagne et qu’un accident de route l’avait empêché de venir reprendre son bien. Sans doute serait-il trop facile d’épiloguer sur les causes possibles du dépôt d’une somme d’argent en ce lieu retiré.

À la suite du rattachement du Languedoc au domaine royal (1229), la propagation des monnaies royales capétiennes marche de pair avec les progrès réels du pouvoir monarchique : après la prohibition de la monnaie melgorienne par le roi en 1625, le sénéchal de Beaucaire, deux ans plus tard, avait fait ouvrir au château de Barre un bureau de change bien pourvu en monnaie tournois. Néanmoins, la reconnaissance des habitants d’Artigues, en 1288, montre qu’au temp de Philippe le Bel les deniers melgoriens étaient encore en usage.

Au début du XIVe siècle, en 1305, Raymond, Bernard et autre Bernard, fils de Pierre de Barre, coseigneurs de Barre, furent convoqués à Montpellier par le roi Philippe le Bel au sujet de son différend avec le pape Boniface huit.

Le 3 février 1307, à la suite d’enquêtes et de procès, fut conclu entre le roi de France et L’Evêque de Mende l’acte de paréage dont la charte devait régler jusqu’en 1789 l’organisation administrative et judiciaire du Gévaudan. Ainsi, le roi et l’Evêque jouiraient d’une autorité exclusive dans leurs terres propres, tandis que la  » terre commune  » recevrait une organisation spéciale, le roi s’y associant l’Evèque dans l’exercice de la juridiction et du droit régalien. Au cours de l’enquête menée par une commission mixte, en août et septembre 1307, les représentants du roi et ceux de L’Evèque vinrent à Barre ; il faut croire que leurs décisions ne satisfaisaient pas Pierre, Raymond et Bernard, car ils firent opposition en 1308 au paréage. Dans des actes postérieurs eux ou leurs descendants font hommage à l’évêque dont ils préfèrent vraisemblablement la tutelle à celle du roi de France.

En 1360, Adhémar de Barre, chevalier, assista à la première réunion connue des états du Gévaudan qui comprenait les représentants qualifiés du clergé, de la noblesse et des communautés (principales villes et bourgs) du diocèse de Mende : 8 du clergé, 20 de la noblesse, 18 du tiers état, de sorte qu’il pouvait y avoir à la fois le seigneur de Barre et le député de Barre, lorsque venait son tour parmi les communautés d’entrer aux états.

En 1386, le noble et puissant seigneur Adhémar de Barre, qui a épousé Marquésie, est dit coseigneur de Barre, seigneur de Rousse, Saint-Laurent-de-Trèves, la plus grande partie de Vébron, baron d’Aleyrac, etc. Adhémar vivait encore 1397.

Martin de Barre, damoiseaux, fils et héritier d’Adhémar, fait hommage à l’évêque de Mende Robert de Bosc, le 5 janvier 1404. En 1413 il est qualifié de seigneur de Barre, Vébron, Rousses, le Canourgue, Saint-Laurent-de-Trèves. Celui qui dut être son fils, Eustache de Barre, époux de Delphine de Rochemure, paraît pour la première fois dans un acte d’avril 1424 : on a voulu voir dans ce personnage le dernier mâle de la première famille seigneuriale de Barre. En tout cas, le 3 juillet 1427, Louis de Taulignan est en possession des seigneuries ayant appartenu aux précédentx ; il est le fondateur de la deuxième maison de Barre.

Vie économique

La carte agricole de la paroisse de Saint-Laurent a été vraisemblablement modelée au cours de ces siècles obscurs dont l’histoire n’a guère laissé de traces dans les archives.

La population, très dispersé, a formé trois types d’habitats établis sur des replat, plus ou moins étroits et inclinés, au regard du Causse Méjean et de La Can :

– habitats du versant oriental du Causse, généralement au contact du schiste et du calcaire, là où surgissent les eaux infiltrées à travers le calcaire (Férreirettes, Vernagues, le Mazel)

– habitats du versant occidentalde la can, dans une position analogue, sur l’alignement des sources, au contact du schiste-sous-jacent et du calcaire fissuré (Mas Cabanis, Issart-Long, Rouve-Fourcat, Nozières, Artigues, les Faïsses, le Devès)

– habitats du versant oriental de La Can, symétriques des précédents (l’Oultre, Ferrières, le Bosc, terrasse, masse Vienne, les Bouars, Aubaret).

Dans les listes de recensement du XIXe siècle, on dénombre 24 lieux habités, grands ou petits. Quelques habitats, et parmi eux le chef-lieu, échappent au classement ci-dessus :

– Grattegals, moulin à eau seigneurial pour les céréales, les châtaignes et les draps, sur la rive droite du Tarnon dont il utilise l’énergie hydraulique

– Coudoulous sur un méandre du Tarn, et Carlèques à un confluent où s’étalent Prairies et champs,  autre habitat de fond de vallée

– Saint-Laurent, position naturellement forte sur un éperon calcaire de La Can, à proximité d’un point d’eau ; le village s’est développé sur une arête rocheuse, entre la forteresse féodale et l’église.

A ces habitats permanents, dont le plus élevé est le Rey, à 987 m d’altitude, sur la ligne de partage des eaux atlantiques et méditerranéennes, s’ajoutent quelques habitats temporaires, parfois plus haut perchée, dont le meilleur exemple est la Cabassude, groupant plusieurs bergeries à 1025 m, sur la bordure orientale du Causse Méjean : il y a là une agglomération ; mais généralement ces bergeries qui possédaient une citerne et, plus rarement, une cheminée d’angle, étaient dispersées. La  » jasse  » était destinée à abriter bêtes et gens des vallées pendant la durée de certains travaux agricoles (moisson, labour) et elle possédait alors une aire pour battre le grain, ou bien elle n’était qu’une bergerie, quand les terrains réservés aux pacages se trouvaient éloignés du hameau.

On comprend mieux pourquoi les terroirs des divers hameaux construits sur les pentes gravissent les versants et mordent plus ou moins largement sur le Causse ou sur La Can auxquels ils se trouvent adossés, parce que s’étendent là les meilleurs terrains à céréales et les pâturages. Sur le Causse Méjean, les privilèges de dépaissance de certains habitants de Vernague ou de Ferrereirettes s’étendaient au-delà des limites administratives de Saint-Laurent, à Gargo, à la Truque a Usclat, c’est-à-dire sur la paroisse de Vébron, jusqu’au point culminant du causse Méjean nouvel apparente (1247 m). De la même façon, les terres de Nozières atteigent, sur La Can, les abords de la ferme du Rey. À l’intérieur de la paroisse d’ancien régime existaient des mandements de section, qui ont leurs règles de vie rurale ; c’est ainsi que la section d’Artigues désigne ses syndics appelés à défendre ses intérêts et à la représenter.

Le Rey, dont le nom indique la présence d’un péage, figure dans un acte de 1381, aux temps difficiles de la minorité du VI (reconnaissance féodale de Sibille, fille d’Étienne Ricard et femmes de Guillaume Pont du Mas de Nozières). Les Atger s’y installent en 1456 – 57, au lendemain de la guerre de 100 ans, comme tenanciers des Barons de Barre et ils n’en sortiront qu’à la fin du XIXe siècle. Pendant près d’un demi millénaire, l’histoire de cette famille se confond avec celle de leur ferme. Des cadets et des filles essaimeront dans plusieurs directions, ainsi les Atger d’Artigues.

À ceux de la maison-mère on donnera couramment au XVIIIe siècle le nom distinctif d’Atger (Atgier ou Agier) du Rey ; ils porteront le titre de bourgeois et même de seigneur de Mas-Viel, à la suite de l’acquisition de cette métaierie et seigneurie sur le versant oriental de La Can : le nom d’Atger se trouve gravé en lettres de 5 cm de hauteur dans un rectangle de ciment frais sur le mur extérieur de la grande cheminée de leur maison à Mas-Viel :

d E M E ure
DU CYTOIEN
ATGER DU RAY
1767

Il peut paraître surprenant de ne trouver qu’un habitat rural au Rey, étant donné sa position à un noeud de chemin très ancien. Il est vrai qu’à peu de distance et commandant les voies qui y conduisent veillaient les châteaux de Saint-Laurent, de Barre et de Terre-Rouge : les deux premiers appartenaient au seigneur du pays, ainsi qu’on l’a vu, tandis que le château de Terre-Rouge fut, croit-on, une fondation des Templiers.

Pour les Atger, aux ressources ordinaires de la culture des céréales et de l’élevage du menu bétail, s’ajoutaient, aux temps modernes, les bénéfices de l’auberge – on disait  » Atger hôte du Rey  » – que fréquentaient les muletiers, les roulier, les paysans qui fréquentaient des nombreuses foires de Barre ou de Florac. Il s’y ajoutait encore le péage des transhumants, levé au nom des seigneurs de Barre jusqu’au début du XVIIIe siècle, la vente de fourrage aux montures et la location des pâturages pour les troupeaux de moutons qui passaient la nuit, car le Rey était traditionnellement une  » couchée  » sur le tracé de la draille par laquelle des transhumants du midi gagnaient les monts de la Margeride en descendaient.

Ses avantages du Rey excitaient la jalousie de voisins moins bien partagés, en particulier ceux de Terre-Rouge où les troupeaux ne s’arrêtaient pas. On faisait courir des bruits sinistres sur ses habitants accusés d’assassinats. Des altercation éclataient entre les Atger et leurs clients occasionnels, en particulier avec les bergers en déplacement qui prétendaient faire paître leurs bêtes sans bourse délier.

Temps moderne

En 1631, lors de l’établissement du compoix de la communauté de Saint-Laurent, le domaine des Atger paraît solidement constitué. Ils ont ajouté des bâtisses nouvelles aux constructions primitives et en rassemblant un certain nombre de terres et de pâtures ils ont arrondi le patrimoine formant bloc autour de la ferme qu’ils défendent avec âpreté. L’exploitation restera de caractère familial. Tous les enfants ne se marieront pas : ceux qui demeurent travaillent aux côtés de leurs parents ou du fils aîné qui, s’étant mis en ménage, n’a jamais quitté la maison paternelle. Ils travaillent et possèdent en commun. Tandis que d’autres Mas – ceux de Nozières et d’Artigues par exemple – se sont fragmentés pour donner naissance à des hameaux, le Mas Du Rey a conservé son unité première dans la communauté familiale.

Si nous revenons en arrière, au début du XVe siècle, nous trouvons nouvellement installée à Barre et Saint-Laurent la famille seigneuriale du Taulignan, d’origine dauphinoise, richement positionné dans le comtat.

Vers 1380, Bertrand de Taulignan avait épousé Blonde de Barre, fille peut être d’Adhémar et de Marquésis. Louis de Taulignan, son fils, avait recueilli, en 1426, l’héritage du dernier Baron de Barre et fondé la deuxième maison.

Ses armes se lisent : écartelé au 1 et 4 de sable, à la croix engrelée d’or, cantonnée de 18 billettes de même, cinq en sautoir à chaque canton en chef et quatre à ceux de la pointe (qui est de Taulignan) ; aux 2 et 3 d’argent, à deux fasces de gueule (Barre ancien). On peut les voir encore sculptées dans un bloc de pierre placée en remploi au-dessus d’une petite porte dans Saint-Laurent-de-Trèves même, arraché probablement à l’ancien château.

Louis de Taulignan, qualifié en 1428 de nobles et puissant homme, Seingneur de Barre, Vébron, Rousses, Saint-Laurent-de-Trèves, Saint-Bonnet-de-Salendrenque et de la baronnie d’Aleyrac, avait épousé vers 1420 Louise de Rochemure. En 1435 il assiste aux états de Languedoc, à Montferrand ; il assiste encore aux états de 1436, 1439, 1473. Il teste en 1445 : n’ayant pas d’enfant, il laisse ses biens aux enfants mâles de ses neveux Bertrand et Louis.

Bertrand est en mort sans postérité, Louis de Taulignan succède à son oncle du même nom. Il est lui-même le père de François de Taulignan, qualifié, en 1528, de magnifique et puissant hommes, Baron d’Aleyrac, Barre, Vébron, etc. demeurant à Puy-Alméras, au diocèse de Vaison (Vaucluse).

François fut père de Charles qui suit, et d’une fille Claudie.

Charles de Taulignan vivait en 1543. On croit qu’il fut l’aïeul de Pierre de Taulignan qui reparaîtra à Barre en 1673.

Claudie, sa soeur, qui avait été vraisemblablement dotée de la part la plus importante de la Baronnie de Barre, se maria deux fois :

– à Robert de Parasclet de Maillane, vers 1560, dont elle n’eut pas d’enfants ;

– à N. de Sauzet dont elle eut une fille, Esther de Sauzet, mariée une première fois a Tristan de Thézan, Seigneur de Séras, puis à Jacques d’Assas, le 4 avril 1614.

À la suite du séjour d’une garnison, le baile de Barre constate que le mobilier du château, en 1569, a été mis à mal par la soldatesque. Une réparation du château s’impose et, le 17 juin 1173, Claudie de Taulignan passe un contrat avec Étienne Védrine, maçon de la garde (St-Germain-de-Calberte), pour élever à un angle de son château de Saint-Laurent, près de la porte et regardant le quartier du mal d’Artigues, une tour ronde à la place d’une autre tour ruinée ; elle devait avoir 12 pans dans son oeuvre et 6 pans d’épaisseur (Jean Duforcoal, notaire à Barre).

C’est sous les derniers Taulignan et, semble-t-il, sous Claudie que les doctrines de la réforme protestante furent introduites à Saint-Laurent comme dans toute la région : vers 1570, Jehan fornier, ayant femme et enfant, est Pasteur à Saint-Laurent.

À cause de la position stratégique de son château, le site sera l’enjeu de luttes acharnées durant les guerres de religion. En 1560, le château ayant été pris par M. de Pontaut, seigneur de Saint Didier  » pour icelluy conserver à l’hobeyssance du Roy et empêcher les perturbateurs du repos publicque des Cévènes « , ceux-ci – c’est-à-dire les protestants – l’assiégèrent.

 » L’an mil cinq cens quatre vingtz et un et du mercredi vingt deuxième jour du moys de juing, en la ville de Chanac, maison du cappitaine de Grimault, assemblée nobles et vénérables personnes Lambert de gayet, seingeur de Thiville, Jacques Marcel et Jean Brugeyron, vicaire de Monseigneur de Mende, comte de Gévaudan, André de Recth, seigneur de Cheminade, premier consul dudict Mende.

Par Me Jehan Comitis a esté remonstré que le seingeur de Sainct Didié auroyt faict prendre et saisir le fort et chasteau de Sainct-Laurent de Trèves, pour icceluy conserver à l’hobbeyssance du Roy et empêcher les perturbateurs du repos publicque des Cévènes, que journellement cont et viennent en la ville de Mende pour icelle piller. Et doultant que tout aussitôt que ledict fort feust prins à l’obeyssance de sa dicte majesté, lesdictz perturbateurs l’auraient assigé, ou ledict siège y est encore. Parquoy a requis et prié mesdictz seingeurs les commis, trouver moyen faire administrer vivres auls compaignies que le seingeur de Saint Didier est après pour les fère assembler au nombre de quinze cent hommes à pied et cinq cens à cheval, aulx fis aller fère lever ledict siège et interrompre le desseing desdictz perturbateurs et aultres choses qu’il pourroit fère pour le service de sadicte majesté…..

Dattée à Pézenas, le XVIIIe juin au présent. « 

Deux ans après, les états de Gévaudan réunis à Mende décident son démantèlement, parmi une demi-douzaine de forteresses Gévaudanaises qui ont servi  » de retraicte aux voleurs, infracteurs de paix et du repos public « . Les problèmes religieux, politiques et économiques s’enchevêtrent : la destruction du château de Saint-Laurent est demandée à la fois, en 1582 par M. de Saint-Énimie, M. de Florac, M. de Servière, le Sr d’Ispagnac, probablement parce qu’il gêne les relations commerciales avec le midi. Le rasement ne fut peut-être pas total, ou le château fut rétabli par la suite.

En 1571, il a été créé six colloques réformés en Bas-Languedoc, dont dépendait Saint-Laurent; leurs limites devaient demeurer à peu près invariable au XVIIe siècle : le colloque de St-Germain-de-Calberte, tout en montagne, auquel appartenait Saint-Laurent-de-Trèves, s’étendait de la vallée Borgne à Marvejols et de St-Germain a Florac.

En 1612, après avoir traversé sans trop de dommages la crise des guerres de religion, les six colloques se séparèrent en deux masses. Les trois colloques de Montpellier, Nîmes et Uzès formeront la province du Bas-Languedoc ; ceux d’Anduze, de Sauves et de St-Germain-de-Calberte celle des Cévennes.

Tristan de Thézan, farouche calviniste, contribua à maintenir le protestantisme dans ses domaines. Il servit sous les ordres du capitaine Merle qui fit trembler le Gévaudan, et il s’empara de Chirac en 1587. À partir de 1589, il servit le roi Henri IV, et maintint dans son obéissance la citadelle de Marvejols avec 20 arquebusiers.

À cette époque, on trouve les cadoëns de Gabriac, d’une autre famille cévenole, positionnée à Barre où ils avaient le tiers de la seigneurie. Ces droits leur venaient sans doute de leurs aïeuls, Béatrice est Aigline de Barre, dans des actes de 1283 et 1290. Il possédait des terres et des immeubles à Artigues. Or, au début du XVIIe siècle, les relations sont fort mauvaises entre Gabriac et Thézan. Le 12 décembre 1602, Tristan de Thézan, seigneur de Séras, s’oppose à l’admission aux états du Gévaudan du sieur de Villaret, noble Antoine de Saint-Martin.

 » Sa procuration, déclare-t-il, doit être traitée comme nulle, faite par personnes prévenues est condamnées pour un crime capital, tels que l’agression et meurtre commis par le feu sieur de Saint-Julien, sieur de Gabriac, et Le sieur de Folhaquier, son frère, en la personne du feu sieur de Villeneuve, fils du dit Sieur de Séras…., le meurtre a été commis avec port d’armes à feu et grandes assemblée d’hommes armés, en plein soir, au milieu de la place de Barre. Mais le sieur de Villaret soutient, d’autre part, qu’il n’y a aucune condamnation contre le sieur de Folhaquier, ni autre de la maison de Gabriac, comme n’étant coupable de la mort du sieur de Villeneuve, et qu’au contraire ce dernier avait aggredé (assailli) et meurtri le sieur de Saint-Julien, comme il espère que la vérité s’en découvrira bientôt. « 

Cet incident permet de juger de la violence des mœurs de l’époque. Il faut dire que les Gabriac avait une triste réputation de barons pillards. On les accusait de plusieurs méfaits, en particulier d’avoir enlevé le trésor royal sur la Can de l’Hospitalet, près du château de Terre-Rouge. Ils furent poursuivis, se réfugièrent dans le château de Saint-Julien-D’arpaon pour se soustraire à l’arrestation dont ils étaient menacés, ils s’y fortifièrent. Un détachement des troupes du roi partit de Meyrueis avec une pièce de canon, un autre détachement vint d’Alès avec une seconde pièce, et ce ne fut qu’après avoir fait des brèches considérables au château qu’on parvint à livrer ces brigands la justice. Le château fut détruit, nous dit-on, en grande partie à cette époque. Nous ignorons cependant de quelle manière fut réalisée la démolition. Toujours est-il que 100 ans plus tard, Louvreleuil comptait Saint-Julien-D’arpaon parmi les châteaux entretenus en bon état par leur seigneur. On peut supposer qu’il avait été réparé au XVIIe siècle.

Tristan de Thézan n’était que le porte-parole des populations apeurées. En 1616, pour se prémunir contre les excès des Gabriac qui ne connaissait aucune loi, un certain nombre de communautés cévenoles avait créé une  » union  » contre cette turbulente famille. Enfin, le 16 janvier 1617, une ordonnance du duc de Montmorency, gouverneur de la province de Languedoc, condamnait Jacques de Gabriac et ses complices, par défaut, à la peine de mort et ordonnait  » le siège, conduite de canon, démolition et rasement des châteaux de Gabriac et Saint-Julien-D’arpaon « , à la suite de quoi eut lieu le siège ci-dessus rapporté.

Mais, à cette date, les jours du château de Saint-Laurent étaient aussi comptés, comme nous le verrons.

Du mariage de Tristan de Thézan et d’Esther de Sauzetétaient nés trois fils et une fille :

– François, seigneur et baron de Barre,  Lasalle et autre lieux, habitant à la Rouvière (paroisse de Molezon)

– Philip, sieur de Fabrègue

– César, seigneur de Séras et sieur de Laval,

– Claude, qui épousera, en 1624, Paul de vignobles, déjà veuf de Claude de Belcastel.

Au cours des troubles religieux et politiques du début du règne de Louis XIII, à la suite de la prise d’armes du duc de Rohan dans le Bas-Languedoc et des Cévennes, César de Thézan adresse aux états du Gévaudan, au nom des habitants des villages de Villeneuve, Laval et certains lieux proches de Barre, une demande pour qu’il soit pourvu  » au dédommagement de la perte est ruine soufferte par lesdits habitants, à cause du brûlement de leurs maisons, advenu par l’injure de la guerre durant ces derniers mouvements  » ; l’année suivante (1624), une somme de 100 livres tournois est accordée par l’assemblée des états pour être distribuée à chaque habitant selon le dommage qu’il a souffert.

César de Thézan mourra aux armées. Avant de partir, il avait testé en faveur de sa soeur Claude de Thézan, le 24 mai 1624. Lors de l’ouverture du testament en 1628, au château de Saint-Laurent-de-Trèves, on apprend qu’il voudrait être enseveli au cimetière de Saint-Laurent, au tombeau de ses prédécesseurs et qu’il fait héritière universelle Claude de Thézan, sa soeur. Elle aura à verser des legs à leurs deux frères, François, seigneur de La Salle, et Philippe, seigneur de Fabrègue. Elle donnera 30 livres à chacun des laquais du défunt, Jacques gout et Guillaume Agulhon, ainsi qu’à  » une pauvre bastarde qui est nourrie au château par aumône « .

En 1624, par son mariage, Claude de Thézan apporte en dot à Paul de Vignolles, seigneur de Montvaillant, connu sous le nom de capitaine Montredon, la majeure partie de la seigneurie de Vébron.

En 1626, Philippe de Thézan est dit seigneurs de Séras, Saint-Laurent-de-Trèves, Barre, le Masbonnet, la Rouvière et autres lieux et places.

En 1647, à l’occasion de l’achat d’une châtaigneraie à Artigues par Antoine de Saint-Julhan, le fils du précédent, messire François de Thézan, seigneur de La Salle, baron de Barre et autres places, se fait payer les droits de lods (mutation), non dans son château qui n’existe plus, mais dans sa maison de Saint-Laurent. À la suite de la révolte du duc de Montmorency, gouverneur de Languedoc, et de Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII (1632), les nobles qui les ont suivis, ont été durement châtié : M. de Machault, conseiller d’État et maître des requêtes, venu pour assurer la sécurité et la tranquillité du pays, punir les coupables et raser les forteresses rebelles, a fait abattre, en 1633, le château de Saint-Laurent-de-Trèves dont le propriétaire  » le sieur de La Salle, beau-frère de M. de Montredont a fui la justice du roi « .

On ne pouvait laisser subsister à l’entrée du Gévaudan un château dangereux, ainsi qu’on avait pu s’en rendre compte au cours des guerres de religion,  » extrêmement fort d’assiette et de travail qui y avait été fait même depuis les derniers mouvements « . Aussi fut-il totalement rasé par mesures d’autorité, par les soins de l’évêque de Mende, moyennant le versement au propriétaire d’une indemnité de 6000 livres.

D’après le dictionnaire de J. Bourret, on pouvait voir, en 1852, les traces de deux grosses tours dont il existait encore les fondements. Peut-être y avait-il deux tours rondes très rapprochées, près du débouché du chemin de chars sur le sommet ; mais il faudrait entreprendre des fouilles pour vérifier cette hypothèse, d’après Robert Poujol.

Les rapports restent tendus entre catholiques et protestants. C’est ainsi que les curés de Florac et de Saint-Laurent élèvent, en 1635, des plaintes contre le pasteur de Vébron et ceux qui distribuent l’aumône, accusé de partialité.  » Le froment est donné aux gentilshommes, aux ministres et aux notaires, et l’orge aux pauvres « .

François de Thézan, resté célibataire, eut une triste fin : il mourut en 1666, étranglée dans son lit par David d’Alesti seigneur d’Ayriargues, qui voulait hériter de ses biens. Le crime ne fut pas payant et la seigneurie, pour quelques années, passa à la famille d’Assas.

Ce changement s’explique par le dernier mariage d’Esther de Sauzer avait épousé en deuxième noce (1614) Jacques d’Assas de Marcassargues, seigneur de Saint-Jean-de-Gardonnenque. François de Thézan étant mort sans postérité, ces domaines passèrent à son cousin François d’Assas, petit-fils d’Esther de Sauzier, qui n’en jouit pas longtemps, car, dès 1673, on retrouve à Barre des Taulignan.

Nous ignorons comment les Taulignan ont pu revenir à Barre et à Saint-Laurent. Le seul fait certain est que Pierre de Taulignan est qualifié de baron de Barre en 1673. Sa fille, Françoise de Taulignan, a épousé en 1666, Joseph – Louis – Bernard de Blégiers, seigneur d’Antelon, d’une ancienne famille du comptat venaissin ; elle-même est dite baronne de barre et Puyméras. Vers 1690, son mari rend hommage à l’évêque de Mende pour le mansdemant de Barre.

À l’époque où le pouvoir royal et le pouvoir ecclésiastique abaissaient les seigneurs de Saint-Laurent, une famille, celle des Dupuy, de Nozières, prétendait s’élever en se réclamant de l’illustre famille dauphinoise du Du Puy – Montbrun. L’absence de titres certains ne permet pas d’asseoir une opinion définitive sur ce point assez particulier d’histoire généalogique. Cependant, au début du XVIIIe siècle, Pierre Dupuy (ou Du Puy) seigneur de Nozières et Aubignac, ayant eu de son mariage (1702) avec Marguerite de Mazelet un fils Pierre, ce dernier obtiendra de la Cour des Aides de Montpellier un arrêt confirmant sa prétention, il prendra, à partir de ce moment, le nom de Dupuy – Montbrun, malgré les protestations du marquis de Puy – Montbrun de Rochefort qui conteste ces droits.

Le 25 octobre 1975 est morte à Genève Mme Georges Angst, née Jeanne Du Puy – Montbrun de Nozières, à l’âge de 97 ans. Le culte a eu lieu au temple de Cologny à Genève, le 30 octobre 1975, et l’inhumation a été faite à Marseille, dans le caveau de la famille Angst.

Au milieu du XVIIe siècle, le château de Terre-Rouge appartient à la famille des Malzac, représentée par Jean de Malzac, seigneur de Terre-Rouge, bailli de Barre. Le seigneur de Terre-Rouge achète la ferme de la Fajolle, sur le causse Méjean. Déjà, en 1562, cette pauvre seigneurie de la Can était possédée par un Louis Malzac, habitants de Barre, dont les descendants ont pris la particule.

Robert Poujol pense que le château attribué aux templiers aurait pu être, plus vraisemblablement, un établissement de l’ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem. Cette hypothèse s’appuie sur l’existence, à 3 km au sud de Terre-Rouge, de la ferme que l’on nomme actuellement l’Hospitalet, et que les anciens documents désignaient sous le nom de  » l’hôpital de la fage obscure « . Sur l’emplacement de cette ferme existait également une  » chapelle de la fage obscure « . On peut imaginer que les chevaliesr d’un ordre hospitalier aient installé à l’Hospitalet leurs établissements religieux et hospitaliers, et à Terre-Rouge leur habitation fortifiée.

La longue lutte des Thézan et des Gabriac qui, de 1601 à 1617, vidèrent leurs querelles les armes à la main, n’est pas le seul exemple de la brutalité des moeurs qui s’étendaient aux différentes classes de la société.

En 1651, Fulcran Clauson, de Nozières, à la suite de la mort de son fils, déposait une plainte contre Antoine de Saint-Julhan, d’Artigues : le 23 mars 1651, Claude Clauson était allé en compagnie de Jean Bon et de Privat cueillir du gui sur le terroir d’Artigues pour le donner au pourceaux, Antoine de Saint-Julhan survenant avec son valet, Moïse Dupont, aurait ôté à Claude Clauson le sac qu’il portait, et l’ayant fait tomber à terre, l’aurait roué de coups de pied et de poing. Rentré chez lui, Claude Clauson se serait mis au lit et serait mort le 28 mars, ne se sachant aucun autre mal. Pourtant, à la suite de transactions conduites par Pierre de Gabriac en faveur de Saint-Julhan, son rentier, les parents de la victime finissent par reconnaître que leur fils, malade depuis trois ou quatre mois, a pu mourir de mort naturelle et acceptent de retirer leur plainte, moyennant le versement d’une somme de 120 livres.

La draille de la Margeride est aussi et souvent le théâtre d’altercation entre les propriétaires des champs riverains et les bergers de passage dont les troupeaux s’égaillent dans les pâtures et les terres cultivées.

À la fin du règne de Louis XV, Pierre Atger du Rey entre en conflit avec deux conducteurs de troupeaux, Pauc et Aubanel de Monoblet, qui montent le 12 juin 1773 à la montagne avec leurs bêtes escortées de quatre bergers. Après avoir bu chez Atger, ils prétendent passer la nuit sur le domaine du Rey, avant d’aller à Florac, sans payer à Atger, conformément à l’usage, le séjour de leurs troupeaux sur ses terres. À la suite d’une altercation, au cours de laquelle ils ont menacé Pierre Atger et son frère Antoine, Paux et Aubanel partent seuls pour Barre, sous prétexte d’aller prévenir le propriétaire, abandonnant le troupeau, tandis que de son côté Pierre Atger porte plainte, dès le lendemain, devant les officiers de la baronnie de Barre, déclarant qu’il va faire conduire les bêtes à leur lieu de destination aux risques et périls de Pauc et d’Aubanel, car il ne peut en prendre soin et n’a pas d’herbe à leur consacrer. Nous ignorons la fin de l’affaire.

Sous le règne personnel de Louis XIV, la politique religieuse du roi qui voudrait rétablir l’unité de foi catholique, a provoqué une crise, la plus grave qu’ait connue le pays aux temps modernes. La révolte viendra cette fois non de la noblesse, mais des paysans. En 1598, Henri IV avait accordé aux protestants du royaume l’édit de Nantes, réduit sous le gouvernement de Richelieu, mais maintenu dans ses lignes essentielles. Au cours des 25 années qui précédèrent la révocation de cet édit (1660 – 1685), 400 édits, déclarations ou arrêts furent portés contre les calvinistes. Plus du tiers eut trait aux réformés languedociens dont on limita la condition civique. À Saint-Laurent-de-Trèves les élections des consuls avaient lieu le 1er janvier, tandis qu’à Florac elles se déroulaientt le 23 novembre et à Vébron le 27 décembre. Le gouvernement fit dresser la liste des rares catholiques qui pouvaient être nommés consuls, afin d’exclure les membres de la R.P.R. (Religion Prétendue Réformée) des fonctions municipales. À Saint-Laurent, sur 500 habitants, on dénombre, d’après Paul Arnal, 450 protestants et seulement 50 catholiques.

Les temples sont démolis et des missionnaires des ordres religieux prêchant dans tous les villages intensifient la propagande catholique. Pierre Chavanon, Pasteur de Vébron depuis 1668 et beau-frère du notaire du lieu Alexandre Aurès, est chassé au mois de septembre 1685; il mourra exilé à Genève le 13 mars 1688. Considérant qu’il ne reste plus que quelque récalcitrant, à la suite d’abjurations collectives obtenues par la force et par la peur, Louis XIV, par l’édit de Fontainebleau, révoque l’édit de Nantes le 18 octobre 1685.

Dès 1663, le culte protestant avait été interdit à Saint-Laurent et à Prunet-Montvaillant, annexe de l’église de Florac ; le temple de Saint-Laurent devait être détruit dans la huitaine (5 octobre 1163). Du coup, la contribution que payaient les réformés de ces villages à Florac avaient été notablement diminuée, et Chavanon, accompagné d’un ancien, avait dû les exhorter à plus de générosité. À la veille de la révocation, Bastide était ministre (Pasteur) à Florac et Motte ministre à Barre.

Saint-Laurent-de-Trèves, après la révocation, comptes 484 nouveaux convertis catholiques (N.C.) qu’il s’agissait de convaincre après les avoir forcé à abjurer. Personne, semble-t-il, n’a quitté le pays, tandis que parmi les villages voisins, Barre compte 440 nouveaux convertis et 13 fugitifs, Vébron compte 941 nouveaux convertis et 20 fugitifs. En 1688, sur l’ordre de l’intendant de Languedoc Bâville, les biens des fugitifs seront vendus.

Contre les opiniâtres et fugitifs, le gouvernement agit avec méthode. Le subdélégué de l’intendant au Vigan, Daudet, envoie Vidal, géomètre arpenteur à Saint-Hippolyte-du-Fort dans les Cévennes, en 1687, pour recueillir les noms des fugitifs, le lieu de leur domicile, le nom de leur paroisse, leur âge, leur taille, la couleur de leurs cheveux et autres marques, depuis quand ils étaient  » errants et vagabonds  » dans le pays. Vidal visite ainsi 129 localités, parmi lesquels Frayssinet-de-Fourques, Vébron, Saint-Laurent-de-Trèves, Florac, Barre, le Bousquet de Labarthe, Molezon, le Pompidou etc.. Se sentant menacés, au milieu de populations hostiles à son enquête, il demanda à l’intendant l’autorisation de porter des armes  » pour la sûreté de sa personne  » ; néanmoins, il terminera sa tournée, au début d’août 1687, sans accident.

Privés de leur pasteur, les nouveaux convertis vont écouter les prêches des prédicant qui reprenne secrètement le culte public.

L’un d’eux, Jean roman, né à Vercheny dans la vallée de la Drôme, après avoir quitté le royaume en 1685 et avoir passé environ deux ans à Lausanne, rentre en France par le Dauphiné ; mais, dans la crainte que ses parents ne tentent de le détourner de sa périlleuse mission, il prend le chemin des Cévennes où il a entendu dire que se tenaient des assemblées clandestines. Ce jeune homme ne tarde pas à présider lui-même des cultes, sous diverse surnom  » lou marchandou « , le  » petit pacquetier « ,  » lou biquarel  » (colporteur) ; il se cantonne dans une région entre Vialas et Vébron.

À la fin de mai 1689, Roman était à Salgas. Après une assemblée à Terre-Rouge, le prédicant s’était réfugié chez un de ses fidèles. Les soldats de Vébron que l’apostat Valmalle avait mis en campagne et qui visitaient les maisons suspectes, se saisirent de roman qui fut conduit par neuf dragons et un permissionnaire dans le for d’Alès.  » On me lia les bras et des mains derrière le dos raconte-t-il, en sorte qu’à peine pouvais-je marcher, ce qui donnait lieu aux soldats de me frapper de temps en temps. Les coups que je reçus m’enflèrent les mains et me noircirent la peau si fort que je pouvais dire, comme l’église aux psaumes 129, que j’en portais les marques sur mon dos « . Transféré au bout de quelque temps d’Alès à Saint-Jean du Gard et mis dans le château de M. de Montvaillant, il s’en évade avec la complicité d’une jeune fille au service des demoiselles de Montvaillant. Nous le retrouvons, au cours d’une existence mouvementée, à Ferreirettes, en 1693, où il prêche dans le pailler de Sabatier.

Au moment de l’arrestation de roman, un projet de soulèvement des protestants était sur le point d’aboutir, du moins le croyait-on.

Un ancien avocat, Claude brousson, rentré en France, est un prédicant, François Vivent, revenu avec lui dans les Cévennes, allaient essayer de les dresser contre le roi, tandis que celui-ci était en guerre contre l’Europe. Le bruit courait que le roi d’Angleterre devait envoyer en Languedoc des officiers et des troupes. Il était naturel d’attendre ce renfort d’un débarquement sur les côtes du golfe du Lion ; aussi, lorsque vers le milieu du mois de septembre 1689 une lettre du Pays bas arriva aux montagnards, affirmant que le maréchal de Schomberg, exilé de France à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, allait faire entrer une armée dans leur pays, au nom du prince d’Orange, nouveau roi d’Angleterre, ils crurent qu’il fallait agir sans balancer.

Une assemblée où, semble-t-il, devaient être communiquées des instructions très importantes, avait été convoquée par Vivent pour la nuit du 23 au 24 septembre 1689 sur la Can de l’Hospitalet. David Quet, un autre prédicant, descendu à Saint-Jean pour avertir des partisans, fit accourir à lui, vers Saint-Roman-de-Tousque, les principaux chefs du mouvement, tout ému, armés de pistolets et d’épée. Le soir, avant la nuit, il remonta avec eux vers Vivent, par la corniche des Cévennes. Quoique inférieur à 80 hommes, la troupe, sans plus se soucier des soldats de la milice, croyant sonner l’heure décisive, traversa le Pompidou où Quet salua ironiquement le sieur de la Blaquière avec le curé qui s’épouvantait de leur insolence.

Cette manifestation ouverte changea brusquement le caractère de l’assemblée. Quet et sa troupe trouvèrent sur La Can, auprès de Brousson et de Vivent, presque tout les prédicant que comptaient alors les Cévennes. Le nombre des cévenols qui rejoignirent les prédicant à l’Hospitalet s’accrut toute la soirée. Il se comptèrent une centaine. C’étaient pour la plupart de jeunes hommes, portant fusil, pistolets ou hallebarde. Vivent fut surpris de ce mouvement spontané qui précédait le signal promis. Ainsi, après le serment de Lapierre, prédicant de Lasalle, après sa propre prédication et une exhortation de Brousson, il reprocha leurs précipitations aux attroupés : c’était vers le nord des Cévennes qu’aurit dû s’effectuer la concentration ; il fallait commencer par Florac et désarmer toutes les troupes. Le mot d’ordre était de s’assembler à la Fau des Armes (bois qui couronne le sommet de la Lozère) et se joindre avec ceux du Villaret qui s’y rendraient.

Les troupes royales ayant été informées de l’assemblée de l’Hospitalet, quatre compagnies de milices arrêtaient environ 40 personnes au matin du 27 septembre, comme on se retirerait. On le rapporta à Brousson et Vivent qui étaient à un quart de lieue de là, avec 24 hommes, prêts à déjeuner. Brousson dit à ses gens qu’il fallait rafraîchir le bassiner, c’est-à-dire mettre des capsules neuves aux fusils, est aller enlever les prisonniers. On fit deux pelotons et on  alla droit à l’ennemi. L’officier s’adressant à Brousson lui dit :  » De quel ordre marchez vous ? – De la part de Dieu, répondit Brousson – Et vous demanda Brousson à l’officier, de quel ordre ? – de l’ordre de M. de Fournels, répliqua l’officier – Armes bas !  » dit Brousson, et on désarma l’officier. Les miliciens, abandonnant leurs prisonniers, prirent la fuite et allèrent s’enfermer dans le château de M. de Brissac,  à Molezon.

Après ce coup d’éclat, il était naturel de pousser de l’avant. Ce fut dans un ordre relatif que les révoltés remontèrent d’abord au hameau de masbonnet ; ils y reçurent, en passant, quelques vivres d’un religionnaire, Pierre Meynadier, puis à la Croix, chez Arnoux, sieur du Barret, où Vivent n’ayant pas trouvés de vin demanda un seau d’eau pour rafraîchir ses hommes. Quittant la vallée de Molezon, la troupe monta à la Can de Terre-Rouge, continua par Ferrières et ne s’arrêta que vers la Salle-Prunet où elle arriva dans la matinée du 25, menant avec elle quelque prisonnier, et parmi ceux-ci l’apostat Valmalle du Masbonnet. Les insurgés le traitent de  » vendeurs de chrétiens « , car il a livré au printemps précédent le prédicant Jean Roman.

Ce même jour, 25 septembre 1689, l’intendant Bâville et le compte de Broglie, commandant militaire de la province, apprenaient à Alès, par les soins des consuls de Saint-Jean, la nouvelle rapportée par M. de Montvaillant de la rencontre de l’avant-veille avec les paysans armés. Le lendemain ils étaient à Saint-Jean avec une compagnie de dragons ; ils demandaient au lieu circonvoisin tous les soldats disponibles, expédiaient des ordres dans les Cévennes entières, de Meyrueis à Chamborigaud. Le 27, ils partaientt pour Cassagnas et arrivaient le 28 à Barre. Là, l’intendant fut informé d’une vaine démonstration que Vivent, peu doué comme capitaine, venait de tenter contre Florac, la veille au soir.

Le prédicant avait reçu avis, le 26 septembre, dans une claie près de Pierrefort, sur le Bougès, que David Quet avait réuni 83 hommes en armes autour du Mas de La Rouvière (paroisse de Molezon) ; mais, en même temps, la nouvelle lui était parvenue que les milices du vicomte du Chayla marchaient vers le Bougès. Vivent ne voulait pas affronter les hasards d’une rencontre tant que ses hommes ne seraient pas suffisamment armés. Il passa donc sur le versant nord de la montagne, et après une assemblée où il prêcha avec Couderc, prédicant de Saint-André-de-Valborgne, il coucha dans les bois de Rampon.

Auparavant, Vivent avait détaché Manuel et deux autres compagnons vers Quet pour lui porter l’ordre de conduire ses recrues à la grotte de la Baume Dolente, sur le flanc occidental de La Can, au-dessus de Montagut.

Le 27 septembre, la troupe erra de Rampon et du bois de Miral à Salièges et à Bédouès, faisant quelque prisonnier, pendant que Bâville accourrait de Saint-Jean, et que le sieur du Miral, craignant pour Florac, Mandait l’ordre de faire bonne garde dans la ville, ainsi qu’aux deux ponts de la Bécède et de Barre qui en défendaient utilement l’accès.

Il avait plu abondamment et une crue du Tarn ne permettait pas de le passer à gué. On pouvait toujours craindre un coup de force contre la ville. Le soir même, en effet, sur les 10 heures, Vivent débusqué de Rampon par les milices, après avoir franchi la montagne de Ramponenche et repassé la Mimente, se présentait au pont de Barre qui n’était gardé que par une petite troupe armée de quatre fusils : trois coups seulement répondirent à une décharge des religionnaires.

L’alarme donnée par les fuyards qui avaient vu aux abords du pont, disaient-il, 4000 personnes, provoqua un tel effroi que Florac se crut perdue. Les cris des femmes, des enfants et le son des cloches inquiétèrent les attroupés. Vivent n’essaya même pas d’entrer dans le bourg ; il se hâta vers la Baume Dolente où il ne trouva personne.

Manuel, après une course pénible accomplie sous une pluie battante, pendant laquelle il avait été arrêté par Bâville et Broglie, puis relâché, n’avait trouvé à la ferme de la Rouvière, dans une assemblée réunie par David Quet, que 12 hommes en armes, au lieu de 80 attendus et la crue des rivières était telle qu’il n’avait pas pu les conduire au lieu marqué.

Dès que Bâville fut averti de l’affaire de Florac, il se hâta de descendre de Barre à Vébron avec les dragons et les milices pour y surprendre Vivent, si celui-ci essayait de gagner Saint-André-de-Valborgne. Mais selon toute probabilité, les compagnons du prédicant s’étaient dispersés d’eux-mêmes, et rapidement. Les Cévennes n’étaient pas encore prêtes pour la révolte ; elles n’avaient pas assez souffert (récits tirés de Charles Bost – Les prédicant protestant, tome I).

Les incidences économiques néfastes sont évidentes ; elles ne seront rien, toutefois, comparées à celles qui marqueront la guerre des Camisards, lorsque le gouvernement, croyant brisée la complicité entre les bandes armées et la population protestante, décidera de transformer le pays en désert.

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