Le chemin muletier Anduze – col du Rey

Depuis Anduze, un chemin muletier remontait la vallée du Gardon par Saint Jean de Gardonnenque. Peu après ce dernier bourg, à pied de côte, il gravissait au pris d’une forte rampe le versant de l’échine schisteuse séparant la Vallée Borgne du Valfrancesque. C’est alors qu’il pénètrait en Gévaudan à la chapelle Saint-Pierre. Il se maintenait ainsi au voisinage de la ligne de faite jusqu’à Saint-Roman de Tousque. Là deux variantes s’offraient à la circulation.

Par la « corniche des Cévennes »

La première utilise d’abord la crête schisteuse, soit de Saint-Roman de Tousque au Pompidou. Sur cette portion la chaussée souffre beaucoup de la présence de schistes friables, proie facile du ravinement lors des pluies orageuses de l’automne. Sur une douzaine de kilomètres, dans tous les passages difficiles (dalles de schiste lisses et inclinées), de profondes cuvettes circulaire de 10 à 20 centimètres de large avaient été creusées pour assurer le pas des mulets. Les multiples aménagements modernes de la crête ont peu à peu fait disparaître la majeure partie de ce tracé. Peu de temps après la guerre, un tronçon qui subsistait encore dans la rampe aboutissant au col de l’Exil a été englouti.

Au printemps 76, pour porter à 10 mètres de large la route de la corniche, et en faire une « voie rapide destinée à relier les fonctionnaires  de la préfecture de Lozère à la préfecture régionale du Languedoc-Roussillon à Montpellier », un magnifique tronçon de la piste muletière, près du Vernet, entre les cols de l’exil et Saint Pierre, a été impitoyablement raboté. (Camille Hugues, cec 1977 n°3, p. 363). Il n’en subsiste qu’une tranchée profondément creusée dans la roche sur plusieurs dizaines de mètres de long, présentant des trous régulièrement espacés. Elle débouche au sommet du talus amont de la route de la corniche, et finira probablement rapidement sa vie dans une érosion rapide et sans âme. Bordel de Dieu, qui sont les imbéciles qui ont donné ces directives débiles (je précise que ma colère ne va pas vers les fonctionnaires, qui en entendent déjà des vertes et des pas mûres sur leur compte, et qui n’en avaient probablement rien à foutre de relier plus vite la capitale régionale).

Bon.

Pour être tout à fait honnête, je me dois de signaler que l’interprétation de ces traces est controversée : certains n’y voient pas du tout une piste muletière mais une laverie de minerai grâce aux eaux de ruissellement qui entraîneraient les matériaux indésirables par la force du courant, tandis que les métaux plus lourds resteraient coincés par gravité dans les trous… De nombreux gisements de minerais se trouvent à proximité (en particulier le gisement de fer de la Valmy), mais pour tout dire je n’y crois pas du tout, il me paraît tout à fait déraisonnable d’imaginer que des hommes se soient fait chier à creuser le schiste pour ça, si loin de l’eau courante… et puis… ce truc, y a pas à dire, ça m’évoque un chemin, voilà tout.

Après le Pompidou la piste muletière escalade la can, sans doute au voisinage du domaine des Crottes. A l’Hôpital de la Fage-obscure (actuel Hospitalet), il retrouve une draille, jusqu’au péage du Mas du Rey.

Par la vallée française

En hiver la traversée de la can est très dangereuse en raison de la neige et des brouillards. Une seconde variante permettait d’éviter donc partiellement ce milieu physique si hostile.

Elle emprunte en effet le fond de la vallée du Gardon de Sainte-Croix. Le problème ici est la raideur des versants par lesquels on passe de l’échine schisteuse ou du causse à la vallée. Au départ de Saint-Rornan c’est une descente vertigineuse vers Sainte-Croix. Ensuite on remonte la vallée par Pont Ravatger. Au delà il faut de nouveau escalader le versant soit par Biasses et Mazeldan, soit par Trebessac. Quoi qu’il en soit on débouche sur la Cam de Barre et on arrive au bourg de Barre où s’opère la fusion avec le chemin muletier Alais – Col du Rey. Ce que je ne comprends pas dans ce tracé, c’est pourquoi il commence par monter de Saint Jean vers Saint Roman de Tousque avant de redescendre vers Sainte Crois, alors qu’il serait plus économe en énergie de passer directement de Saint Jean à Sainte Croix par Saint-Étienne Vallée française sans monter sur la crête… Peut-être n’existait-t-il pas de passage Saint Jean – Saint-Étienne à l’époque ?

C’est sous la forme d’un tracé commun aux deux itinéraires que l’on atteint le mas du Rey et le chemin passant par le Pompidou.

Des destins différents

Sous la monarchie absolue les deux chemins vont connaître un sort différent. L’itinéraire par les crêtes est classé comme chemin royal des Cévennes en 1684 ce qui le promettra à un avenir de piste carrossable

L’itinéraire par la vallée du Gardon de Sainte-Croix n’est qu’un chemin de secours pendant l’hiver. On va donc en faire seulement un bon chemin muletier. Prévu dès 1723 sous la pression du bourg de Barre qui espère ainsi un regain d’activité pour ses foires et marchés, l’aménagement démarre à partir de 1744. Il concerne la portion entre Pont Ravatger et Barre.

Le « chemin muletier » de la corniche des Cévennes, avant qu’il ne soit trop abimé par la DDE (Photo publiée dans la revue Causse et cévennes n°4 de 1957, p. 67

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