Histoire des pratiques agricoles sur la can de l’Hospitalet

Aucune étude n’existe actuellement sur les pratiques agricoles anciennes sur la can de l’Hospitalet. Mais le croisement des connaissances concernant le Causse Méjean, tout proche et ressemblant du point de vue des conditions écologiques et humaines, avec des observations de terrain, permet de brosser un tableau hypothétique mais vraisemblable de la manière dont les choses ont dû se passer sur la can.

Avant le néolithique l’homme est totalement absent de la can. Il fait des passages épisodiques sur le causse Méjean voisin mais, n’étant pas encore agriculteur (il chasse et récolte les produits spontanés de la terre) il ne modifie pas encore le paysage en profondeur.

A la fin du néolithique

A l’époque des premières installations de l’homme vers -3000, la can de l’Hospitalet était couverte d’une forêt assez riche, composée de pins sylvestres, chênes, et de nombreuses autres espèces (voir « La végétation« ).

On suppose que les premiers « paysans » qui s’installèrent sur la can pratiquèrent, comme en beaucoup d’autres endroits, la « culture itinérante sur brûlis » : on brûle, on sème, on récolte et on recommence un peu plus loin. C’est un système très performant puisque le feu minéralise l’humus et fournit des éléments directement utilisables par les semis, et qu’il détruit un certain nombre de plantes indésirables pour la culture.

Rapidement, les pratiques culturales évoluent et l’homme cesse de se déplacer pour défricher plus méthodiquement puis entretenir des espaces dédiés à l’agriculture. Les pratiques s’améliorent :

  • Côté « végétal », les graines carbonisées retrouvées sur les causses indiquent que les premiers cultivateurs ont semé du blé et de l’orge importés du moyen-orient, qu’ils ont ensuite transformé en farine pour en faire des galettes. La cueillette n’existe plus que pour fournir certains compléments : pommes sauvages, noisettes, glands…
  • Côté « animal », progressivement, la chasse n’occupe plus la première place dans l’alimentation d’origine animale, et on voit apparaître les espèces d’élevage : mouton et chèvre (importés du proche orient d’où ils sont originaires) sont les plus consommés. Le porc et le bœuf sont moins consommés (20%), l’apport de la chasse devient bientôt marginal…

La culture et l’élevage prennent plus de temps que la cueillette et la chasse, mais offrent la possibilité de faire des réserves qui permettront, le moment venu, de nourrir des populations plus nombreuses. Encore faut-il pouvoir stocker les réserves : lorsque le sol le permet, on creuse des silos de stockage (fosses) ou bien on utilise de la vannerie et de la céramique. (avh, p. 27).

C’est probablement à la fin du néolithique que l’homme commence à utiliser le cheval comme animal de travail.

A l’époque gallo-romaine…

Les forêts ont presque disparu de la can, à part quelques lambeaux de hêtraies (en particulier autour de l’Hospitalet) signalés par plusieurs écrits du moyen-âge. Une lande à buis ouverte occupe la quasi totalité de la can et permet les pratiques agricoles, et en particulier deux utilisations principales :

  • une culture extensive de céréales s’est progressivement mise en place dans les « travers » (zones bombées dans lesquelles la couche de sol est très mince), avec peut-être des zones de cultures plus intensives dans les creux au fond desquels une couche de terre plus importante pouvait s’accumuler. Si l’on en croit les pratiques qui perdurent encore aujourd’hui et les témoignages des agriculteurs, les zones de calcaire à chaille et genêt, plus acides, accueillent plus volontiers le seigle, et les parties moins acides sont meilleures pour le blé.
  • un pâturage, extensif lui aussi (d’ovins ?)
  • des prairies pour la production de fourrage

Témoins de cette époque, on trouve sur la can les traces de plusieurs établissements gallo-romains qui, s’ils n’ont pas fait l’objet de fouilles sérieuses permettant de l’affirmer, étaient sans doute des établissements agricoles. Ce sont en particulier la villa gallo-romaine de la can de Ferrière, celle du « trescol » de Solpérière… et sans doute d’autres encore.

A partir du moyen-âge : une situation stable

Des exploitations agricoles existent sur le plateau au moyen-âge, mais on manque d’informations et de traces pour les décrire précisément. Il est probable qu’elles héritent assez directement de leurs prédécesseurs de l’époque gallo-romaine. Les pratiques agricoles ne connaîtront plus d’évolutions notables jusqu’à la fin du XIXè siècle :

  • Les landes à buis ne s’étendent pas plus en raison du pâturage extensif et aussi car le buis est utilisé pour des usages très variés : charpente, objets de bois, litières, engrais (le mélange buis-fumure de moutons est très performant)…
  • Les arbres de bordure de chemins et de parcelles produisent du bois de chauffage, et du feuillage pour nourrir le bétail (frêne). Ils étaient souvent traités en têtards pour multiplier la quantité de feuillage et le bois de fagot.
  • La production de bois d’œuvre, de bien piètre qualité par rapport à nos exigences actuelles, concernait des volumes modestes destinés à l’autoconsommation
Les aléas de l’agriculture moderne sur la can de l’Hospitalet

Les plateaux calcaires ont pris une grande importance dans l’équilibre agricole local : les coeurs d’exploitations sont généralement situées plus bas dans les vallées, où se pratique l’exploitation du châtaignier, des fruitiers, l’élevage de chèvres, etc… mais les cans sont les seuls endroits où le pâturage reste possible l’été pour les brebis, et ou il est possible de faire pousser des céréales.

Autour du plateau : le châtaignier au XIXème et XXème siècle

Dans les pentes schisteuse qui entourent la can, le châtaignier est exploité à plein régime. Il sert à tout : la récolte de châtaignes, bien sûr (pour la soupe, la farine, ou les châtaignes grillées), mais aussi la récolte de bois (en particulier pour faire des perches, des piquets…) et celle du tanin, qui culmina dans la fin du XIXème et la première moitié du XXème car le tanin était commandé en grande quantité par l’armée française pour tanner les cuirs des costumes militaires. Les arbres étaient coupés dans les versants, les troncs étaient descendus, parfois au moyen de câbles, puis emmenés vers les usines d’extraction du tanin (il en existait une vers Génolhac)

L’armée achetait également des châtaignes pour nourrir les troupes alliées en Asie : il paraît que les vietnamiens en raffolaient. A Florac, Jean Roux, dit « Pissou » était paraît-il passé maître dans l’art de négocier à d’excellentes conditions la production de châtaigne à l’armée. Après les guerres d’Indochine et d’Algérie, la demande militaire en tanin et en châtaignes baissa puis disparut complètement.

On trouve également des fruitiers dans les pentes

En 1790, un négociant bourguignon nommé Marlin passe près de l’Hospitalet. Les seuls arbres qu’il voit ont été plantés. Il voit également des vaches, et quelques parcelles de blés qui sont « en juin comme en avril auprès de Paris ». (avh, p. 12 et 13)

Quelques vaches tranquilles près de la doline des Crottes

Au XXème siècle

Au début du XXème siècle, comme partout ailleurs en France, les zones les moins riches de la can sont progressivement abandonnées par l’agriculture au profit des zones plus faciles qui sont intensifiées. Plusieurs zones sont plantées en pins noirs d’Autriche (voir « La végétation« ).

Une belle prairie de fauche, à proximité du hameau de l’Hospitalet

Aujourd’hui

Les zones aux sols les plus riches sont essentiellement occupées par des prairies de fauche. Au tournant du XXIème siècle, de vastes surfaces sont à nouveau défrichées et mises en culture de céréales, grâce à des moyens techniques importants (gyrobroyage, extraction mécanique ou broyage des cailloux…). La pratique de l’écobuage y est rare mais on la rencontre cependant, dans les zones à genêts en particulier. A ma connaissance, au début du XXIème siècle, seules 4 exploitations sont encore en fonctionnement sur le plateau : La Bastide, les Crottes, la Borie, l’Hospitalet. Une partie des terrains sont gérés par des exploitations situées sur les contreforts de la can : Artigues, Saint Laurent de Trèves, Ferrière, Balazuègne, Rousses… Petite différence avec le Causse, sur la Can paissent toujours des brebis, mais on y trouve aussi de plus en plus de vaches.

Sacré bestiole

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