Décoller l’écorce d’un rameau de Frêne, Châtaignier, Noisetier…

Quand et sur quelles espèces procéder

A la fin de l’hiver, les arbres sortent progressivement de la période de « repos » dans laquelle ils se trouvent depuis plusieurs mois. La création des nouvelles feuilles engendre une reprise de la photosynthèse et réactive tous les processus physiologiques ralentis par le froid. Pendant cette période (appelée la montée de sève), la circulation de sève devient particulièrement intense du haut en bas de l’arbre. Cette sève s’écoule entre l’écorce et le bois, ce qui diminue l’adhérence entre les deux.  C’est à cette période qu’il est possible de décoller l’écorce du rameau, pour un certain nombre d’espèces.

Selon les altitudes, les latitudes, le degré d’humidité de l’année, la montée de sève peut s’étaler de début avril à début juillet. Classiquement, la meilleure période est aux alentours de début mai.

Les arbres les plus appropriés et les plus utilisés sont le frêne, le châtaignier et le noisetier. Ils présentent une écorce solide, régulière, et un espace assez long entre les noeuds, ce qui permet d’obtenir de beaux tubes. Mais j’ai réussi sans problème à sortir l’écorce de nombreuses autres espèces (peuplier, osier…), n’hésitez pas à faire vos essais.

La démarche à suivre

Choisir des jeunes rameaux (très droits généralement). Y découper la section dont vous voulez extraire l’écorce. Elle ne doit pas présenter de noeuds ni de défauts dans l’écorce, et doit être la plus rectiligne possible. Les longueurs « utiles » sont plus importantes sur le frêne (jusqu’à 20 centimètres) que sur le chataignier (jusqu’à 10 centimètres). Sachez que plus la longueur est grande, plus difficile sera la tâche du « décollage ». Jusqu’à une dizaine de centimètres, cela reste assez facile si la saison est la bonne.

Si l’écorce vous semble un peu sèche, et que vous avez une rivière ou de l’eau à proximité, vous pouvez commencer par faire tremper le tout quelques minutes.

Pour décoller l’écorce : tapotez la pendant quelques minutes, en tous ses points, avec un objet non contondant, par exemple le manche de votre couteau, ou un caillou plat. Vous pouvez aussi la faire rouler entre votre cuisse et un objet plat.

J’ai vu des gens mettre ensuite le bâton dans la bouche pour l’humidifier, ce qui faciliterait le décollement de l’écorce. Tous les tests que j’ai faits m’ont convaincu que cette étape ne change rien, mais si ça vous fait plaisir…

Enlever 1 cm d’écorce à une des extrémités pour faire apparaître le bois nu. Saisir cette extrémité dénudée entre les dents, saisir fermement l’autre côté du rameau dans la main droite, de la main gauche entourer l’écorce de la zone à décoller et tourner très fort et très délicatement à la fois (!) jusqu’à ce qu’elle se détache d’un claquement sec. Le tour est joué ! Avec les enfants, je m’amuse à leur demander de faire silence pour entendre ce bruit, et je leur fais croire que je me suis cassé une dent. C’est malin, tiens !

Si vous n’y arrivez décidément pas, quelques petits trucs qui aident :

  • Plus le rameau est court et de faible diamètre, plus c’est facile. Recommencez donc avec un rameau de diamètre plus modeste, ou raccourcissez-le un peu.
  • Enlevez une seconde bande de 1 cm d’écorce de l’autre côté du rameau, et demandez à un collègue (ou une amoureuse) de prendre à son tour cette partie dénudée entre ses dents. Demandez à une troisième personne de vous aider à tourner l’écorce… vous finirez bien par y arriver en vous y mettant tous ! Cette dernière méthode est d’ailleurs à conseiller systématiquement pour décoller des rameaux un peu longs (plus de 10 cm)

Les ritournelles d’accompagnement

Dans les pratiques traditionnelles, la phase de tapotement de l’écorce avec le couteau était souvent accompagnée d’un comptine scandée dans le rythme de la frappe. Pour attirer l’attention des enfants si c’était le grand père qui officiait, pour améliorer l’efficacité de l’opération si c’était un enfant. Il en existe des dizaines de versions, selon la région, et aussi sans doute l’imagination du bricoleur qui opère. En voici quelques exemples, collectés en Cévennes par Nicole Coulomb :

Saba, saba, la coeta de mon chin (sève, sève, la queue de mon chien)

Saba saba pel de cabra, bi bi pel de cabri, ai perdut mon cotelon, a la vinha de Jacquo, se jacquo lo mi rend, min sipplet anara ben, se jacquo lo mi rend pas, min sipplet anara pas (sève, sève, peau de chèvre, bi bi peau de cabri, j’ai perdu mon grand couteau, à la figne de Jacquou, si Jacquou me le rend mon sifflet marchera bien, si Jacquou me le rend pas mon sifflet marchera pas.