Allègre et Mariette, ou les puechs des Bondons

A la frange de cet univers de granite qu’est l’immense épaule du Mont Lozère, survit un éparpillement de crottes de calcaire, autrefois rattachées aux causses géants tout proches, rescapées de la fabuleuse érosion qui règne ici depuis toujours. Les plus célèbres et remarquables d’entre ces vestiges du temps où la mer recouvrait tout ici sont à mon avis au nombre de 3. Ce sont l’Eschino d’Aze, longe arête serpentine et boisée qui tente de remonter le plus haut qu’elle peut, et les deux « puechs » des bondons, magnifiques seins de calcaire dressés vers le ciel. Bien que la tradition se perde un peu, les amateurs les connaissent sous le nom de « Allègre » (le plus oriental) et « Mariette » (le plus proche de l’eschino-d’Aze)

L’Eschino-d’Aze et le puech « Mariette » vus de Saint Laurent de Trèves
Le puech « Mariette » depuis l’Eschino-d’Aze

Ce sont de bien modestes buttes à la vérité, tout au plus quelques 100 mètres de haut par rapport au plateau environnant. Mais, campées sur leurs 1000 mètres de granite, et surtout, si… différentes des immensités mollement ondulées qui les entourent, elles se voient de très loin, et… elles font fantasmer beaucoup. Deux seins et un ventre rebondi, c’est donc sous la forme d’une femme enceinte allongée que l’imagerie populaire locale (surtout mâle, je pense) se les représente. De là à interpréter les centaines de menhirs environnants comme autant de petits sexes dressés, il n’y a qu’un pas que tout le monde franchit… allègrement, justement.

Mais bon, qu’on y croie ou qu’on n’y croie pas, le site reste extraordinaire, et porte aujourd’hui, de la vieille à Gargantua, un sacré paquet de légendes ! Chaque matin je peux les apercevoir du pas de ma porte, à 25 km de là, et chaque matin ces reliefs m’aident à comprendre qu’habiter ici est une bénédiction. J’ai eu de nombreuses fois l’occasion d’y poser les pieds, et pourtant l’envie d’y retourner est permanente…

2 humains au sommet du Puech Allègre
Les terres stériles entre le puech « Mariette » et l’Eschino-d’Aze

Du sud, les deux compères semblent quasi-identiques. Mais lorsque l’on s’en approche et que l’on les contemple sous d’autres angles, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. Allègre, le plus fréquenté (car le plus proche de la route), est arrondi comme la tête d’un vieillard chauve, alors que Mariette est effilée comme une lame…

L’ascension de l’un comme de l’autre est facile et agréable comme tout, alors pourquoi allons nous tous, toujours, sur Allègre, et délaissons nous systématiquement Mariette ? Aujourd’hui, tiens je vais faire mentir la statistique et pousser jusque là-bas.

Bien m’en prend car je découvre, côté Eschino-d’Aze, des paysages lunaires invisibles de la route… Le sommet est minuscule, intime, et calme. Au loin, des marcheurs se pressent sur Allègre

L’eschino-d’Aze depuis le puech « Mariette »

Redescente en courant, plaisir de laisser partir librement son corps dans cette belle pente herbeuse qui donne envie de décoller. Sous la menace des gros nuages gris nous contournons par la droite le second puech qui fait pourtant bien envie, rien que pour voir si c’est pareil.  Les premières gouttes nous font accélérer le pas. Peu de temps avant l’entrée dans les bondons le ciel se sèche tout à coup, le calme revient, on dirait presque qu’il fait chaud.

Une photo classique mais qui fait toujours son petit effet : la jasse au pied du puech « Allègre »

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