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                     L'enceinte protohistorique de la Rode à Drigas
                   
        Au début de l'âge du fer, (VIIIème siècle avant JC), un essor démographique pousse
        les "celtes des tumulus" à s'installer de manière permanente sur la totalité des
        grands causses. Ce sont d'abord les rebords des plateaux qui se hérissent de "cap
        barrés" ou "éperons barrés", simples murs de pierre sèche barrant l'accès à un promontoire
        rocheux naturellement défendu sur au moins deux côtés.
     
        Puis, à partir du VIème siècle avant JC, des ouvrages défensifs plus élaborés sont
        édifiés sur les plateaux. Ils nécessitent la construction d'une muraille complètement
        fermée qui demande beaucoup plus de travail, mais permettent en revanche de choisir
        les sites d'implantation en fonction de leurs différentes qualité stratégiques ou
        logistiques. Ce sont les "enceintes protohistoriques". Trois sont connues à ce jour
        sur le Causse Méjean : le Tourel à Mas Saint Chély, le Mont Buisson, et la Rode
        à Hures. 
        L'enceinte protohistorique de la Rode, située sur la commune d'Hures la Parade au
        milieu du Causse Méjean, indifféremment appelée enceinte de Drigas, de Hures
        ou du Buffre, est la plus belle des enceintes protohistoriques du Causse Méjean. Située
        entre les hameaux du Buffre et de Drigas, elle occupe tout le sommet d'une vaste
        colline de 1107 m d'altitude du haut de laquelle la vue porte à perte de vue dans
        toutes les directions, vers l'Aubrac, le mont Lozère, l'Aigoual... Le choix du site
        est facilement compréhensible ! Plusieurs autres raisons l'expliquent : au col tout
        proche, à quelques centaines de mètres à l'ouest, passe une branche d'une draille
        sans doute très anciennement empruntée. Par ailleurs, une source existe au pied
        de la colline, en direction du Buffre. 
        L'enceinte date de l'âge du fer, plus exactement de la période de la Tène,
        probablement du VIe siècle avant JC. A cette époque, la forêt caussenarde a déjà
        nettement régressé sous l'influence de la déforestation humaine. 
        Le rempart, de plan elliptique, mesure 150 mètres sur 100. Il entoure totalement
        une surface de plus d'un hectare, presque parfaitement plane, légèrement bombée
        en son centre. 
        Le mur d'origine était vertical et devait mesurer environ 4 m de haut. Il était
        construit en pierres sèches selon une technique et avec des matériaux assez rudimentaires
        : deux parement sont montés par empilement de pierres ne présentant pas de cohérence
        de taille ni de forme. L'espace entre les deux parement est ensuite rempli de pierres
        (un sondage en partie ouest du site permet d'observer la structure d'un parement). 
        Ce style d'appareillage, fragile, n'a pas résisté au temps. Les pierres issues des
        effondrements successifs du sommet du mur ont progressivement noyé la base dans
        un cône d'éboulis qui a ensuite protégé ce qui restait des parements. L'actuel talus
        d'éboulis fait plus de 2 m de haut, et jusqu'à 8 mètres de large !
     
        Un fossé entourait le mur pour en renforcer l'efficacité. Il est encore visible
        en de nombreux endroits du site (notamment au nord ouest), sous la forme d'un bourrelet de terre qui court à 2 ou 3 mètres de la base de la muraille. 
        Deux portes encore nettement visibles s'ouvrent dans la muraille : 
        la principale, au sud-ouest, matérialisée par un point bas dans le
        talus d'éboulis (photo), et la trace nettement visible d'un chemin
        qui part en direction du colune autre, très étroite, vers le nord. 
        Des maisons d'habitation de forme rectangulaire étaient établies à même le rocher
        et s'appuyaient contre la muraille, côté intérieur. Des sondages ont permis de découvrir
        une structure d'habitats avec un foyer constitué d'une surface d'argile damée, de
        la céramique, des reliefs de repas, dont une quantité impressionnante de restes
        de cheval. Le mobilier qui y a été recueilli est caractéristique de la fin du Premier
        Age du Fer et de l'époque de la Tène. L'occupation du site serait continue du VIe
        au 1er siècle avant JC, mais s'est probablement prolongée durant la période gallo-romaine
        car une monnaie romaine du IIIème siècle y a été découverte (signalée par Martel).
     
        La partie centrale de l'enceinte est restée libre de constructions, probablement
        pour accueillir les troupeaux. Les clapas qui l'occupent aujourd'hui sont probablement
        de facture plus récente. 
        Au sud-ouest de cette enceinte, un groupe de tumuli constituait probablement l'une
        des zones d'inhumation des personnes vivant là. En principe, les inhumations se
        faisaient toujours à l'extérieur des enceintes. 
        Aujourd'hui, le site est libre d'accès, peu de gens prennent la peine d'y aller
        car il faut marcher environ une demi-heure, mais la balade vaut vraiment le détour.
        Le lieu a une force d'évocation historique, mais aussi poétique impressionnante,
        comme en témoignent les très nombreux cairns et jeux de pierre que l'on peut voir
        en de nombreux endroits du site... des flaneurs se sont fait plaisir à laisser libre
        cours à leur imagination. Les archéologques ne verraient sans doute pas d'un bon
        oeil ce mélange des genres et des pierres, mais bon... c'est peut-être pour ce site
        une manière pas plus moche qu'une autre de ne pas tomber dans l'oubli. 
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        Bibliographie : 
        H. Gallet de Santerre, dans Gallia, 24, 2, 1966, p. 483; 
        G. Barruol, dans Gallia, 27, 2, 1969, p. 415. 
        A Martel, Les Causses majeurs, 1936, p. 161 |