La grotte de Baumoleïro

Le valat de Baumoleïro est une petite vallée qui entaille le rebord de la can, à 1 km au nord de la ferme de l’Hospitalet. Son nom provient d’une petite grotte (baouma en occitan) également appelée grotte de l’Hospitalet. Elle est située au pied d’une barre rocheuse dominant le versant gauche du ravin. Elle n’est pas portée sur la carte IGN, ce qui est étonnant car elle est bien connue depuis toujours.

Le vallon de Baumoleïro, depuis la bordure nord de la can noire. La grotte du même nom est située au sommet du ravin sombre qui traverse la barre rocheuse en son centre.

La grotte se présente sous la forme d’un confortable porche d’une douzaine de mètres de profondeur. Sa section est d’environ 4 mètres de large sur 3 mètres de haut à l’entrée, elle s’amenuise progressivement vers le fond. Un dallage de pierres grossièrement agencées couvre en partie un sol presque parfaitement horizontal.

Deux courtes galeries se détachent de cet espace principal. La plus petite, à gauche, monte sur quelques mètres en se rétrécissant et s’interrompt rapidement. Celle de droite, un peu plus longue, s’élève elle aussi au dessus du niveau du porche et se termine sur une étroiture impénétrable, à travers laquelle on aperçoit un espace un peu plus large, qui pourrait donner une suite à la galerie.

Mais l’intérêt principal de Baumoleïro est avant tout historique, car l’Homme la fréquente depuis longtemps. Des tessons de poteries et des restes de cuisines trouvés sous le dallage attestent d’une occupation dès le premier âge du fer (soc, p.2). Non loin de la grotte, entre la route de la corniche et le ravin de Baumoleïro, à la côte 1021, ont d’ailleurs été trouvés des déchets de débitage de silex sans doute plus anciens encore.

L’entrée

Le lieu a peut-être été utilisé comme léproserie au moyen-âge, comme pourrait en témoigner le nom de la grotte. Daniel André rapproche en effet Baumoleïro d’autres cavités de noms similaires (Baume-Layrou dans les gorges du Trévezel, Baume Latrone des gorges du gardon), qui sont connues pour avoir abrité des pestiférés (ladres en occitan). Baumoleïro aurait donc pu avoir cette vocation. La proximité immédiate de l’Hospitalet, au moyen-âge centre d’accueil de pèlerins mais aussi peut-être de malades, géré par l’ordre de Malte, apporte un certain crédit à cette hypothèse. Daniel André suppose que le mur encore visible à l’entrée, étonnamment bien appareillé pour une entrée de bergerie, pourrait avoir été bâti dans ce contexte.

Au début des années 50, Camille Hugues a sommairement fouillé la grotte. La petite histoire raconte qu’il participait à l’assemblée commémorative annuelle protestante de l’Hospitalet tout proche, et qu’il aurait décidé de faire un petit tour à Baumoleïro. C’est ainsi qu’il aurait trouvé, en fouillant sommairement sous le dallage, le « trésor » de Baumoleïro : 94 monnaies féodales en argent, parfois réunies en piles soudées par le vert de gris. Parmi ces pièces figuraient :

  • 86 pièces de Mauguio (ou « Monnaie melgorienne »)
  • 7 pièces des comtes de Toulouse (Raimond VI)
  • 1 pièce d’Alphonse II, roi d’Aragon, comte de Provence. La présence, surprenante à première vue, de celle-ci se justifie par l’extension en Gévaudan des domaines de cette famille de souverains espagnols.

Ces pièces ont probablement été cachées dans la grotte vers le début du XIIIème siècle. A l’époque, comme le fait remarquer Daniel André, elles représentaient une somme d’argent très importante pour un simple particulier, ce qui interroge sur l’identité et les motivations de la personne qui les a déposées à cet endroit. L’abondance de monnaies melgoriennes suggère qu’il s’agissait d’un Languedocien de la région de Montpellier. Il devait également être familier des environs de l’Hospitalet car la grotte est indécelable depuis la route. Et s’il n’est pas revenu chercher son butin, il y a fort à parier qu’il a dû lui arriver malheur quelques temps plus tard !

Les pièces sont maintenant conservées au Musée Ignon Fabre de Mende.

Que devient la grotte dans les siècles qui suivent ? Il semble peu douteux qu’elle ait de tout temps régulièrement servi de bergerie, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Mais elle a probablement continué à en voir bien d’autres. Selon un article de Robert de Joly paru dans la revue du club cévenol de 1933, Baumoleïro est connue pour avoir « probablement été habitée pendant les guerres de religion », sans qu’aucun document ne vienne étayer ou infirmer cette thèse aujourd’hui. La proximité de Baumoleïro avec l’Hospitalet, lieu chargé d’imaginaire protestant s’il en est, a peut-être suffi à conférer à la grotte une histoire qu’elle n’a pas ? D’après une famille de la région, ce serait d’ailleurs carrément dans Baumoleïro qu’auraient eu lieu les assemblées secrètes pendant la période du désert, et non dans le bois de hêtre situé à côté de l’Hospitalet (pet, p.82), comme le veut la tradition. Ce dont on est par contre certain, car il l’a lui-même écrit dans ses mémoires, c’est que la grotte a accueilli à plusieurs reprise le prédicant Jean Roman, qui y a souvent séjourné entre 1687 et 1699 lorsqu’il avait besoin de se cacher

La grotte de Baumoleïro est également connue par les anciens des environs pour avoir abrité des fées qui venaient s’y ravitailler et s’y cacher. Plus bas dans le vallon de Baumoleïro, à la limite des communes de Vébron et du Pompidou, se trouve d’ailleurs un « Rocher des fées » (je ne l’ai personnellement pas trouvé), présentant une cavité interprétée comme une cachette pour les affaires des fées.

Aux confluents des valats de Baumoleïro et de l’Hort de Dieu, un gros rocher de calcaire est tombé des falaises lointaines. La légende dit qu’il aurait été fréquenté par les fées.

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