Stations préhistoriques de la Can de l’Hospitalet et du Causse Méjan (Lozère)

Article écrit par Camille Hugues et Michel Lorblanchet dans le compte-rendu du congrès préhistorique de France, XIXème session, Auvergne, 1969 (1972)

La région prospectée, essentiellement calcaire, fait partie des Grands Causses du Gévaudan. Leur sommet le plus élevé, Gargo, qui culmine à 1247 mètres (1278 sur les anciennes cartes de l’Etat-Major), s’y trouve inclus. Nos limites s’arrêtent, à l’Est, au-dessus des pentes vertigineuses des hautes vallées cévenoles des Gardons ; à l’Ouest, elles correspondent à peu près au tracé de la route de Meyrueis à Sainte-Enimie (N. 586). Aucun des sites décrits n’est à moins de 1 000 mètres. Il s’agit donc de stations d’altitude.
La profonde vallée du Tarnon sépare la Can du Causse: enfoncée dans les schistes, au-dessous des formations calcaires caussenardes, elle n’a donné, en plein air, qu’un morceau de meule en grès, récolté sur un replat au contact du schiste et du calcaire, au lieu-dit le Plos (Vébron).
Avec le recul général des cultures, certains habitats des plateaux qui ont pu se trouver autrefois dans des zones de défrichement temporaire sont maintenant dans les immenses pelouses maigres des pâturages à moutons. Les intempéries et le piétinement des bêtes à laine sur un terrain très caillouteux n’ont pas épargné les silex. Quant aux poteries, plus fragiles encore, elles sont réduites à des tessons désagrégés. A une exception près, elles ne nous renseignent ni sur les profils, ni sur les décors des vases. Cependant leur découverte, qui ne coïncide pas toujours avec celle des silex, devrait permettre le pointage d’autres stations inédites, si elles étaient en meilleur état, car elles restent souvent, à nos yeux, d’un âge incertain. 

A – Can de l’Hospitalet.

La Can n’est, en réalité, que la plus volumineuse et la plus haute des buttes-témoins détachées du Causse Méjan oriental par l’enfoncement des cours d’eau périphériques venus du massif de l’Aigoual. Un chapeau de calcaire dur qui a protégé les assises sous-jacentes plus tendres contre les morsures du ravinement donne, par endroits, des escarpements analogues à ceux du Causse, et qui, comme eux, portent le nom local et imagé de « couronnes ». Leurs grottes, dont il ne sera pas traité ici, ont servi d’habitats (Baume Dolente, Vébron) ou de sépultures collectives (Grotte des Fées, Bassurels).

1) Puech Vendut (Bassurels). – A l’Ouest de l’éperon barré du Causset, non loin d’un petit dolmen ruiné (cote 1 050) et en marge de la couronne méridionale de la Can dans laquelle s’ouvre la grotte sépulcrale des Fées, le plateau calcaire est jonché de débris de schiste apportés, de tessons gallo-romains et de chailles au milieu desquelles nous avons reconnu quelques éclats de débitage, en particulier un éclat de mauvais silex à retouches abruptes (fig. 1, n°7).

2) Serre de Montgros (Vébron). – Tantôt réduite à un liseré rocheux qu’empruntent obligatoirement la draille de Margeride et l’ancienne route royale (corniche des Cévennes), en équilibre entre le versant atlantique et le versant méditerranéen, tantôt plus étoffée, la Can de l’Hospitalet n’est pas régulièrement plate. Elle culmine au Serre de Mont gros, à 1111 mètres, dans sa partie méridionale.

Ce grand mamelon bien isolé a été fréquenté à diverses époques (existence vraisemblable d’un sanctuaire indigène gallo-romain, vers le sommet). L’occupation préhistorique, moins visible, est marquée par la présence de quelques silex, chailles, quartz éclatés, galets de rivière en roches siliceuses; elle s’est étendue au versant est, au pied duquel suinte une petite source, et au versant sud où des rochers ruiniformes pouvaient servir d’écran à des cabanes adossées. Parmi les silex, retenons un éclat en éventail (fig. 1, n°2), une lamelle de section trapézoïdale, non retouchée (fig. 1, n ° 3) et un éclat de silex gris craquelé par le feu. Parmi les chailles : un éclat mince (fig. 1, n° 4) et une sorte de rabot latéral, épais de 23 mm (fig. 1, n° 6). Parmi les quartz, un autre rabot latéral, épais de 37 mm (fig. 1, n° 5).

3) Can Noire (Barre-des-Cévennes).  – A 200 mètres à l’Est de la cote 1004, sur un replat étroit qui coupe le versant occidental de la Can Noire, il existe d’autres vestiges de peuplement : éclats de chaille, de quartz et de silex dont une pointe foliacée dissymétrique, avec un tranchant vif et un tranchant retouché sur les deux faces (fig. 1, n° 1).

4) Col de Solpérières (Vébron).  – Entre les ruines du château de Terre Rouge et le carrefour  de la Côte Cardinale, à la cote 1 021, nous avons recueilli une hache polie isolée, en schiste, cassée au talon. Epaisse de 18 mm, elle constituait un instrument fragile, malgré le soin évident apporté au choix de la plaque de schiste qui a servi à la confectionner (fig. 1, n° 8).
Tandis qu’un simple martelage a régularisé les bords, le tranchant a été correctement poli, mais il a souffert. Les deux flancs ont été polis, sans que disparaissent en totalité les irrégularités de la plaque; l’un d’eux porte de larges écaillures. Il est surprenant de constater que les préhistoriques préfèrent un schiste médiocre aux galets de roches cristallines à grain fin qu’ils auraient pu choisir dans le lit du Tarnon ou d’autres torrents cévenols.

Le façonnage des bords de la hache de la Can est comparable à celui d’une plaque de schiste brisée et dépourvue de traces de polissage qui fait partie du mobilier de la station du Serre Pointu, sur le Causse Méjan (fig. 5, n°8).
Ainsi, sur une longueur totale de 15 km, suivant laquelle la Can de l’Hospitalet étire du Sud au Nord son échine calcaire, nos maigres découvertes préhistoriques de surface se trouvent toutes concentrées dans la moitié méridionale. La pauvreté en tombes mégalithiques est analogue, puisque nous n’y connaissons jusqu’ici que le très modeste dolmen de Puech Vendut (1).

B. – Causse Méjan.

Dans une première étude l’un de nous avait mis en évidence la rareté des vestiges préhistoriques au creur du Méjan oriental et leur rassemblement apparent à la périphérie. On pouvait attendre des trouvailles nouvelles des labours pour le boisement et du creusement des tranchées des canalisations destinées à alimenter en eau de l’Aigoual les troupeaux et les derniers habitants du Causse. Nos recherches personnelles ont été assez décevantes; elles n’ont révélé que quelques débris de poteries de l’âge du Fer ou de la période gallo-romaine (2).
1) Anilhac (Saint-Chély-du-Tarn). – Nous devons à l’obligeance de M. Gilbert Fages de signaler au village même d’ Anilhac, dans la tranchée ouverte par la pelle mécanique lors de la pose des tuyaux d’adduction d’eau, la mise au jour de plusieurs silex et d’un fragment de coquille marine. Enfouis dans le sol, les silex sont moins patinés que ceux des gisements de surface :

  • pointe de flèche cassée à pédoncule et ailerons avec retouches bifaciales, en silex marron légèrement marbré de blanc, ayant conservé sur sa face bombée une parcelle de gangue (fig. 2, n° 1) ;
  • lamelles de silex gris de section trapézoïdale (fig. 2, n°2 et 3);
  • éclat de silex blond à talon martelé et bulbe de percussion bien dessiné (fig. 2, n°5) ;
  • petit grattoir caréné en silex gris bleu, à front convexe étroit (fig. 2, n°6) ;
  • fragment de coquille marine, probablement d’une valve de pétoncle usée (fig. 2, n° 4).

A l’air libre, M. Fages a recueilli, en outre, un percuteur en chaille et un broyeur fait d’un galet de quartz blanc roté (3) .
2) Hures. – Commune entièrement caussenarde, sans contact direct avec les gorges qui isolent le Méjan, Hures est plus riche en monuments mégalithiques qu’en stations de plein air. Néanmoins, on peut faire état de deux fragments de meules en grès rejetés sur les murs en pierre sèche des champs enclos, aux abords immédiats du village, d’une petite station à l’Est de la ferme de Saubert, au lieu-dit Cournillière (éclats de silex et de quartz) et de deux pointes de flèche foliacées près de l’aven de Grousette.

3) Cavalade (Vébron). – Au couchant de la ferme de Cavalade, sur la pente entre les cotes 974 et 1034 dont le sommet a été occupé à l’âge du Fer, un défrichement temporaire nous avait fait découvrir, en 1947, des traces plus anciennes :

  • petit éclat pédonculé en silex rose (fig. 2, n° 7) ; -petit grattoir convexe, en silex gris bleu à patine blanche (fi.g. 2, n°8) ;
  • grattoir sur éclat, à manche épais, dont la face inférieure a été aplanie par des retouches plates et dont le front a été régularisé par des retouches longues et fines (fig. 2, n°9) ;
  • éclats de quartz et minuscule tesson de poterie.

4) Fage Vieille (Vébron). – Un gros grattoir à manche, tiré de la chaille locale, épais de 2 cm, à longues retouches frontales et aplani par quelques retouches sur la face inférieure, a été ramassé, isolé, au pied d’un grand rocher ruiniforme, entouré de chailles sans traces de travail humain (fig. 3, n°4).

5) Le Veygalier (Fraissinet-de-Fourques). – En bordure et au Sud du chemin de VIlleneuve au Veygalier se trouve une petite station en liaison possible avec le dolmen du Devois de Villeneuve, sis sur le territoire de Vébron (4). Nos découvertes sont antérieures à l’établissement de la canalisation qui la traverse, mais qui n’a apporté aucun élément archéologique nouveau; par contre, au voisinage des rochers dolomitiques de la fontaine du Veygalier , la tranchée a fait apparaître plusieurs tessons de l’âge du Fer.
Tandis que le dolmen contenait deux pointes i de flèche en silex à tranchant transversal, l’outillage de la station n’est composé que d’éclats de chaille :

  • grattoir convexe à manche, comparable à celui de Cavalade (fig. 3, n°5) ;
  • éclats non retouchés (fig. 3, n° 6 et 8) ;
  • éclat allongé, cassé, mince à la base, épais de 6 mm au sommet, qui porte de longues retouches marginales (fig. 3, n°7).

6) Serre Pointu (Fraissinet-de-Fourques). – Aux abords de la couronne méridionale du Méjan, au Nord du village de Fraissinet et jusqu’à Aures, en passant par les mamelons qui bordent à l’arrière-plan la plate-forme du Ségala où la draille d’Aubrac, venue de l’Aigoual par le col de Perjuret, aborde le Causse, les vestiges d’habitats préhistoriques deviennent plus importants, ainsi que le nombre des dolmens, sépultures mégalithiques et tumulus, ceux-ci d’un âge plus récent.
Dans les champs cultivés du Ségala, jonchés de fragments naturels de chaille, le chanoine Bonnal avait cru reconnaître une vaste station néolithique (5). Nos propres recherches ont été vaines jusqu’à présent, ne pouvant y découvrir un seul éclat de débitage; mais nous avons repéré les vestiges des populations fixées tout autour, à la rois sur les calcaires en plaquette et sur la dolomie. Au-dessus des escarpements qui surplombent Fraissinet, à la lisière d’un bois de pins, entre les cotes 1138 et 1064, nous avons recueilli quelques éclats de silex, de chaille et de quartz, avec un morceau d’hématite poli sur un côté.
L’habitat principal se trouvait au Serre Pointu (cote 1151), adossé aux rochers ruiniformes qui le surmontent et exposé au midi. Il a fourni, au milieu de tessons sans intérêt, un débris de col de grand vase, modelé avec une argile grossière, souligné d’un cordon en relief orné de coups d’ongle et, fait exceptionnel, une courte lame d’obsidienne, de section trapézoïdale.
Le gros matériel lithique est composé de silex, de chaille et de diverses roches anciennes, quartz ! et schiste en particulier.
Parmi les silex, patinés généralement en blanc porcelaine, les lames de section triangulaire ou trapezoïdale donnent à la station du Serre Pomtu un caractère original. Les plus nombreuses sont brutes; quelques-unes ont été aménagées en outils ou en armes par de fines retouches marginales :

  • lame à troncature et à bords retouchés (fig. 4, n° 14) ;
  • lames à bord retouché (fig. 4, n° 13 et 15) ;
  • lame à sommet finement retouché (fig. 4, n° 17) ;
  • flèche à tranchant transversal, à retouches abruptes (fig. 4, n° 19) ;
  • parallélépipède tiré comme la flèche précédente d’une 1 lame de section trapézoïdale et retouché sur les deux troncatures (fig. 4, n° 20).

Quelques armes et outils de taille moyenne :

  • pointe ovale à retouches bifaciales (fig. 4, n° 1) ;
  • pointe foliacée à retouches bifaciales (fig. 4, n° 2) ;
  • grattoir convexe à retouches abruptes sur éclat épais (fig. 4, n° 3) ;
  • grattoir convexe sur éclat mince, retouché sur les bords (fig. 4, n° 4) ;
  • tête de grattoir convexe (fig. 4, n° 5) ;
  • grattoir denticulé (fig. 5, n° 1 ).

Si plusieurs éclats de silex sont finement retouchés (fig. 4, n° 29 et 30), les menus éclats de chaille le sont moins (fig. 4, n° 23, 31 et 32). D’ordinaire, il n’y a pas de lames en chaille, mais seulement des éclats dont le volume contraste avec la petitesse des outils en silex. Pris isolément, ils paraîtraient appartenir à un milieu différent :

  • éclats minces ou tabulaires, plus ou moins retouchés (fig. 4, n° 25 à 28 et fig. 5, n° 2 à 5) ;
  • racloir épais (fig. 5, n° 6) ;
  • disque à retouches bifacia1es, relique du Paléolithique moyen (fig. 5, n° 7) ;
  • pointe à plan de frappe oblique et arête dorsale très accusée (fig. 5, n° 4).

Le quartz a donné des percuteurs et des broyeurs, ainsi que des éclats.
Le schiste est représenté par des plaquettes dont l’une, cassée, porte sur les deux côtés des retouches marginales écrasées (fig. 5, n° 8) . Un fragment de calcaire fin a été façonné en parallélépipède, mesurant 37 mm sur 26 mm et 6 mm d’épaisseur.

7) Puech de Mielgues (Gatuzières). – Par l’abondance des lames la station qui s’étend sur les pentes sud-est et sud du mamelon (cote 1131), à un kilomètre au Sud-Ouest de Galy, est comparable à celle du Serre Pointu. Elle s’en distingue par la forme de ses pointes de flèche et par la présence de haches polies en silex. Les lames, très souvent de section trapézoïdale, ont servi de support à des grattoirs sur bout de lame (fig. 6, n° 18 et 19), à des lames à bord abattu (fig. 6, n° 23), et elles ont même donné par l’abattage des bords un outil double, grattoir étroit à la base et perçoir au sommet (fig. 6, n° 22) . Les flèches pédonculées sont de deux types : flèche à pédoncule et ailerons peu prononcés (fig. 6, n° 30), en silex blanc, et flèche en silex rose à simple pédoncule rétréci (fig. 6, n° 31).

Dans l’outillage microlithique, la chaille intervient exceptionnellement avec un éclat mince aménagé en grattoir convexe (fig. 6, n° 20). Un autre grattoir, fait d’une plaque épaisse de 6 mm, de forme à peu près circulaire, est denticulé sur une partie du tranchant (fig. 6, n° 25).

Les haches, incomplètes, sont faites d’un silex de médiocre qualité qui pourrait être d’origine locale: un fragment gris rosé provient d’un tranchant parfaitement poli (fig. 6, n°32) ; un fragment gris provient du talon d’une hache qui a été écrasé comme si elle avait servi de percuteur (fig. 6, n° 33).

Parmi les éclats de quartz, nous trouvons un disque (fig. 3, n°2) et, parmi les chailles, un robuste racloir (fig. 3, n° 1).

Parmi les fragments de schiste, il convient de signaler une baguette (fig. 3, n03) et deux éclats polis artificiellement qui ont pu appartenir à des haches analogues à la hache du col de Solpérières, sur la Can.

La poterie n’a guère résisté aux intempéries caussenardes.

Au Sud-Ouest du Puech de Mielgues existe un prolongement de la station principale avec une industrie lithique de même nature :

  • pointe de flèche à pédoncule et ailerons peu dégagés (fig. 6, n° 34) ;
  • ébauche de pointe amygdaloïde (fig. 6, n° 36) ;
  • lamelle à dos naturel (fig. 6, n° 35) ;
  • petit grattoir sur bout de lamelle épaisse, de section triangulaire, à bords retouchés (fig. 6, n° 37) .

8) Bordures du Ségala (Fraissinet-de-Fourques et Gatuzières). – Du Serre Pointu à Aures, des trouvailles dispersées, faites à la fois sur les deux communes de Fraissinet-de-Fourques et de Gatuzières, révèlent une occupation sporadique qui s’est étendue au versant nord des collines, en bordure du Pradas, face à la ferme de Galy (lamelle, fig. 5, n° 9), mais qui est plus marquée sur le revers méridional qui domine le Ségala, entre les cotes 1114 et 1121 de l’ancienne carte de l’Etat-Major.

Retenons en particulier, sur le territoire de Fraissinet, la présence d’une flèche à tranchant transversal, cassée, tirée d’une lamelle (fig. 2, n° 16), et d’une autre flèche épaisse, façonnée par retouches bifaciales grossières à partir d’un éclat (fig. 2, n° 10). Ces armes étaient accompagnées d’une lamelle de section trapézoïdale (fig. 2, n°17) et de quelques éclats de silex ou de chaille :

  • éclat épais de 7 mm, à retouches bifaciales écrasées, dont on a voulu faire, semble-t-il, une pointe de javelot (fig. 2, n° 11) ;
  • éclat de silex lustré, à longs enlèvements dorsaux avec quelques retouches frontales (fig. 2, n° 12);
  • éclats de chaille à fines retouches marginales (fig. 2, n° 13 et 14) ;
  • éclats de chaille allongés, sans retouches (fig. 2, n° 15 et 18) ;
  • éclat de chaille avec un bord partiellement retouché (fig. I 2, n° 19).

Une plaquette de schiste, épaisse de 8 mm, a été reduite à un petit trapèze par usure des bords (fig. 2, n° 20).

Sur la commune de Gatuzières, au Sud-Est et au Sud-Ouest d’ Aures, au-dessus de la couronne méridionale du Causse Méjan, de rares éclats ou lamelles de silex (fig. 2, n° 21 et 23), éclats de chaille (fig. 2, n° 22) et quartz signalent une occupation préhistorique.

9) Col de perjuret (Fraissinet-de-Fourques). – Dans l’isthme calcaire de Perjuret qui relie à haute altitude le Causse Méjan au massif ancien de l’ Aigoual, le versant nord du mamelon des Présilos (1067 m), très dénudé a gardé les traces d’une station caractérisée par la présence de quartz cassé, de plaques de schiste, de fragments de meules en grès, de chailles débitées et de quelques silex taillés.

En direction du Sud, vers les plus hautes crêtes des Cévennes, nous ne connaissons pas d’autre site d’habitat avant celui de Trépaloup (Bassurels), établi à 1220 m, au pied même du dôme granitique de l’Aigoual (6).

De la station du col de Perjuret, on notera :

  • une ébauche épaisse de pointe de flèche (fig. 7, n° 1) ;
  • une pointe de javelot en chaille rose (fig. 7, n° 2) ;
  • un grattoir à retouches frontales abruptes, en silex blanc porcelaine (fig. 7, n° 3) ;
  • des éclats de chaille, l’un finement retouché sur une arête (fig. 7, n° 4), l’autre à retouches marginales abruptes (fig. 7, n° 5) ;
  • un racloir épais de 2 cm, en silex marron, à grandes retouches abruptes (fig. 7, n° 6).

Conclusion

Il n’y a pas de relation étroite entre les gisements de plein air et les rares points d’eau des surfaces karstiques de la Can ou du Causse. Cependant, sur le Causse Méjan, la densité des lieux habités paraît plus forte à la périphérie où se trouvent la plupart des fontaines nées du contact des eaux infiltrées à travers la dolomie avec une strate marneuse. De là, la vue plongeait sur un monde aux aspects inhabituels pour les habitants du Causse, au climat moins rude et aux ressources différentes. Hormis les cavités naturelles des couronnes, les versants raides et les fonds de vallée n’ont rien gardé du passage ou du séjour des hommes.

Les mobiliers funéraires des monuments mé- galithiques de la contrée sont aussi pauvres en poteries -pour des raisons rituelles -que les stations qui les environnent, exposées aux rigueurs des saisons, et sur lesquelles nous n’avons décelé jusqu’ici aucun emplacement d’habitation propre à orienter nos recherches. Ils n’ont livré que des armes en silex, à l’exclusion de la chaille utilisée pour une partie de l’outillage domestique. On peut voir dans l’abondance relative des lames la persistance d’une tradition lointaine des Mésolithiques établis sur les Grands Causses ou, plutôt, la conséquence de l’implantation de nouveaux venus « chasséens », agriculteurs et éleveurs, dont l’origine ne pourrait être confirmée que par une connaissance approfondie de la céramique.

La hache polie en roche dure verte n’était pas inconnue des Caussenards (sépulture mégalithique de la couronne de Racoules, Vébron), mais, à défaut ou sous des influences extérieures diverses, ils ont employé d’autres matériaux, tels que le silex ou le schiste. Aucune pièce ne peut dans l’état actuel des recherches être rapportée avec certitude au Rodézien ; il manque notamment sur nos stations la flèche crénelée si abondante dans les tombes. Le Rodézien qui est surtout connu dans son faciès funéraire est encore mal défini, en particulier dans son outillage lithique.

En l’absence de stratigraphie d’habitat sur le Méjan et plus généralement dans toute la partie interne des Grands Causses, il n’est pas encore possible d’établir une connexion entre les silex taillés trouvés en surface et les dolmens.

Ces dernières années quelques fonds de cabanes présentant une architecture bien particulière ont été découverts par G. Fages et l’un de nous (M. L.) en divers points du causse Méjan (7) ; ceux qui ont été fouillés ont été attribués au début de l’âge du Bronze et à l’âge du Fer; leur mobilier est différent de celui de nos stations qui sont sans doute plus anciennes.

Camille Hugues, Michel Lorblanchet

Bibliographie

(1) C. HUGUES. -Les siècles obscurs de la Can, Bull. du Club Cévenol, 1951, T. VIII, n° 1-2.
C. HUGUES. -Préhistoire de la Can de l’Hospitalet, Bull. de la Fédé. Spéléologique du Gard, 1962, n° 3.

(2) C. HUGUES. -Préhistoire du Causse Méjan oriental, . C..P.F., Paris, 1950, p. 358.
M. LORBLANCHET. -Contribution à l’étude du peuplement de.s ., Grands Causses, B.S.P.F. 1965, p. 667. 

(3) G. FAGES et M. LORBLANCHET – Glanes archéologiques sur les causses, Revue du Gévaudan, 1967, pp. 11 et 12

(4) c. HUGUES et s. GAGNIEBB. -Le dolmen du Devois de Villeneuve (Vébron, Lozère), Bull. Soc. Et. Sc. Nat. de Vaucluse, 1937, p. 42.

(5) H. BOULLIER DE BRANCHE. -Feuda Gabalorum, T. I, p. 47, note 4.

(6) C. HUGUES. -Deux stations préhistoriques cévenoles du Lingas et de l’Aigoual, Bull. Soc. Et. Sc. Nat. de Nîmes. 1946- 1960, p. 85.

(7) G. FAGES et M. LORBLANCHET. -Recherches sous les Tumulus aux environs d’Anilhac, Revue du Gévaudau, 1964.

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