Les fours à chaux artisanaux sur la can de l’Hospitalet

La chaux est une sorte de ciment rustique, utilisée comme liant pour la fabrication de bâtiments. La calcination du calcaire produit de la chaux vive, qui peut ensuite être déclinée en différentes formes (chaux aérienne, chaux hydraulique…) par adjonction d’additifs, mélange ou traitement complémentaires.

Le processus de fabrication de la chaux a été découvert dès l’antiquité et s’est répandu très rapidement partout où le calcaire était présent. C’est ainsi que s’est développé la can de l’Hospitalet une sorte de micro industrie artisanale de fabrication de chaux, avant que la grande industrie ne prenne le relais, avec des moyens infiniment supérieurs.

Le processus de calcination du calcaire se fait au sein de fours, dans lesquels on enfourne le minerai et du combustible et que l’on aère fortement pour activer la combustion et dépasser une température de comprise entre 800 et 1000 degrés pendant plusieurs heures. Les formes et tailles de fours ont évolué tout au long des deux derniers millénaires, depuis les plus rustiques qui n’étaient que de simples trous dans le sol jusqu’aux grands fours industriels du XIXè siècle, fabriqués en pierre taillée maçonnée, mesurant jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de haut, et permettant d’obtenir une production continue de chaux grâce à des systèmes de défournage par le bas, tandis que l’enfournage se fait par le haut.

Le combustible utilisé dans le processus a lui aussi évolué avec le temps. Sans doute a-t-il été constitué de bois dans un premier temps. Mais ce matériau, même très sec et de qualité, permet très difficilement d’atteindre les températures nécessaires. Il a rapidement été remplacé par le charbon de bois, plus performant, qui sera utilisé deux millénaires durant. Bien plus tard, les fours industriels passeront au charbon, aux qualités thermiques très supérieures.

Les fours à chaux existant sur et autour de la can de l’Hospitalet sont, à ma connaissance, tous conçus sur le même modèle. Ils se présentent sous la forme d’un monticule de terre et/ou de pierre à l’intérieur duquel est ménagée une cavité circulaire (la chambre de combustion) s’étrécissant parfois vers le haut, dont les parois sont retenues par un mur de pierre.

Sur ce modèle unique, il existe déjà une grande variabilité. Le diamètre de la chambre de combustion peut aller de 2 à 5 mètres, et sa hauteur varie de 1 à 2 mètres. Il peut exister ou pas une ouverture sur le côté, permettant sans doute un accès plus facile. Les pierres utilisées pour fabriquer le mur interne sont généralement elles-même en calcaire, mais il en existe en schiste…

L’observation de cette diversité me fait penser que certains fours très rustiques (pierres non taillées, agencées à la va-vite…) ont été quasiment à usage unique, alors que d’autres, de grande taille, très soignés dans la construction, ont servi de nombreuses fois. Mais c’est une hypothèse à confirmer. Se pose d’ailleurs la question de l’entretien des fours à usage multiple : les pierres des parois sont, comme le minerai destiné à la chaux, soumises à des températures extrêmes qui les dégradent rapidement : il est facile d’observer des roches rubéfiées par la chaleur, et d’autres qui sont fracturées voire réduites en poussière. Y avait-il un entretien entre les fournées consistant à changer les pierres abimées ?

Le choix des emplacements de fours résultait d’un « calcul » intuitif très simple, qui a été étudié sur le mont Lozère pour la réduction du minerai de plomb mais peut être transposé ici. Le combustible nécessaire représentait du volume 15 à 100 fois supérieur à celui du minerai, pour une masse 2 à 3 fois supérieure. Il était donc beaucoup logique de placer le four sur les lieux de production du combustible, quitte à importer les matières premières de plus loin ou exporter les produits finis plus loin également. Voilà pourquoi la majorité des fours à chaux que l’on trouve sur la can et alentour sont localisés loin de tout bâtiment. Ils sont pour la plupart disposés soit en bordure de plateau (peut-être parce que les pentes étaient les dernières zones à rester boisées ?), soit sur le « ressès » (replat de mi-pente).

Il est intéressant de noter qu’on ne rencontre pas de fours à chaux sur le Causse Méjean, juste de l’autre côté de la vallée du Tarnon par rapport à la can. Camille Hugues interprète ce fait comme résultant d’un déboisement beaucoup plus précoce des causses qui n’aurait pas permis de récolter le bois nécessaire aux fournées. Cette hypothèse intéressante me questionne car il me semble que les fours visibles sur la can sont relativement récents. Leur fragilité ne leur aurait pas permis de traverser de longues périodes. Intuitivement je dirais qu’ils doivent remonter au XIXè siècle ou un peu avant ? Si c’est bien le cas, cela nous place bien après la déforestation massive. Sujet à creuser donc

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