La can de l’Hospitalet, une chaussée naturelle bien pratique… mais dangereuse

Un lieu bien pratique pour voyager…

« Lorsque j’entends ou lorsque je lis le nom de Can de l’Hospitalet, je revois, immanquablement, mon éminent maître en géographie, le professeur Paul Marres, en tenue d’excursionniste 1900, sur la plateforme de l’Aigoual. D’un large mouvement du bras, il désignait à ses étudiants la longue bande calcaire, orientée nord-sud, qui relie le col du Marquaïres au col des Faïsses, et il leur expliquait, avec enthousiasme, qu’il s’agissait d’une chaussée jetée providentiellement sur les Cévennes.« 

Bergers en Cévennes, p.183

La Can de l’Hospitalet n’est certes pas un lieu facile à vivre. Mais c’est un lieu plein d’avantages intéressants pour voyager :

  • elle est plate, et de ce fait on y circule facilement (sauf l’hiver), beaucoup plus qu’au fond des vallées environnantes. Cette caractéristique la rapproche de tous les causses, qui depuis que l’homme circule ont été de manière bien connue des voies de pénétration privilégiées dans les arrières pays.
  • sa configuration relie naturellement plusieurs massifs montagneux (Aigoual et Cévennes en particulier, mais dans une moindre mesure Causses et Mont Lozère) en limitant les dénivelés à franchir pour passer de l’un à l’autre.
  • elle est située sur des grands itinéraires naturels de tous temps fréquentés par les bêtes et les hommes et plus largement le Languedoc et le Massif central, en a donc finalement fait un nœud de communication important à toutes les époques.

La référence à une « chaussée » est donc tout à fait légitime. Et de fait, elle a très tôt été sillonnée de chemins et de routes de diverses importances.

… mais parfois dangereux !

Malgré ces facilités, deux raisons principales ont fait de la can (surtout dans le passé) un endroit dangereux pour le voyageur :

  • Les rigueurs de l’hiver. La can, à une altitude de 1000 mètres en moyenne, représente un point culminant pour plusieurs des itinéraires qui la traversent. La tourmente, les congères, le froid et le brouillard s’y font plus forts qu’ailleurs. Dans le passé, les itinéraires n’étaient pas bien signalisés. Un grand nombre de voyageurs, et pas seulement des étrangers à la région, s’y sont perdus au prix de leur vie ! L’état civil tenu par les curés de Vébron sous l’ancien régime porte ainsi la trace de sépultures de voyageurs décédés lors de la traversée de la can : 1676, Pierre Nicolas, marchand de Grenoble; 1676, Pierre Cabiron, meniant de Saint Georges de Lévejac, 1679, Jean Prunières de La Fage Montivernoux, 1687, Pierre Besse de Saint-Léger-de-Peyre, 1681, un pauvre venant du Languedoc, anonyme, 1780, Gabriel Alcais de Croupillac près de FLorac, 1780, Jean Ruas, rentier à Deïdou (merci à Olivier Poujol pour ces informations).
  • L’insécurité. En certaines époques, ce lieu reculé abritait des populations aux intentions pas toujours très claires. Citons par exemple les protestants en révolte au XVIIIème siècle, ou les brigands de tous poils dans les siècles précédents. Certains lieux d’accueil de voyageurs ont été à certains moments de leur histoire de vrais coupe-gorges.

Alors : contourner ou améliorer ?

Un lieu à la fois pratique et dangereux. Cet antagonisme s’est retrouvé dans les choix et décisions contradictoires des autorités, qui depuis des siècles n’ont cessé d’osciller entre deux attitudes : développer et améliorer les chemins pour les rendre plus sûrs et plus roulants, ou au contraire mettre en place des itinéraires permettant de contourner la can. L’histoire de la route royale n°7 en est un excellent exemple.

Aujourd’hui, les hivers se sont grandement apaisés (la neige n’est plus présente que quelques jours ou semaines par an), la route s’est élargie, est devenue presque droite et bien signalisée… Un itinéraire régional majeur (la Corniche des Cévennes) y passe et s’avère efficace et utile, et quelques autres itinéraires plus locaux sont moins utilisés.

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