Partir seul en haute montagne

Est-il raisonnable de partir seul en haute-montagne ? Pour beaucoup, la question ne se pose même pas. Envie de partager des moments forts, besoin de s’appuyer sur une équipe pour se sentir en sécurité… Mais parfois, la tentation de partir seul est parfois forte. Parce qu’on n’a pas trouvé de compagnon de cordée disponible dans son créneau de congés, parce qu’on a envie de silence, parce qu’on veut se prouver qu’on en est capable, parce qu’on a envie, cette fois, de n’en faire qu’à sa tête, sans besoin de négocier les itinéraires, horaires et techniques…

De fait, on croise régulièrement des alpinistes isolés dans les glaciers. Pour goûter moi-même à cette pratique de temps à autres, je sais que c’est possible, bien sûr, et même plaisant. Mais  faire ce choix de manière raisonnable nécessite de réfléchir la chose.

Bien sûr, il y a avant tout son propre niveau d’autonomie concernant les choix d’itinéraire, les techniques de progression, les méthodes d’assurance… Tout cela doit être en adéquation avec le niveau de difficulté de l’itinéraire.

Mais il y a surtout le niveau de risques objectifs auquel on va être confrontés. Traverser un glacier crevassé en début d’hiver exposera forcément au risque de chute en crevasse. Progresser dans un terrain rocheux raide et pourri exposera forcément aux chutes de pierres. Que l’on soit débutant ou confirmé. C’est là qu’il y a une discussion sérieuse à tenir avec soi-même : quelle est l’importance de ce risque, est-ce que je l’accepte, c’est à dire est-ce que je le juge raisonnable, sachant que si le pire arrive, le fait d’être seul ne pardonnera probablement pas… A chacun de peser tout cela. Mais une chose me semble certaine : pour être en capacité de le mesurer correctement, il faut avoir déjà une bonne pratique, avoir été confronté aux problèmes.

Il restera tout de même un atout sérieux à l’alpiniste solitaire : la possibilité de faire demi-tour… et croyez-moi, ce n’est pas une décision si facile à prendre : lorsque l’on accepte de revenir sur son projet initial, c’est souvent parce qu’il est déjà un peu tard et que l’on est passés trop près de la catastrophe !